Shoah
Régulièrement classé parmi les 100 meilleurs films de l’histoire du septième art, Shoah est une expérience de vie unique pour le spectateur de cinéma. Inscrit au registre de la « Mémoire du monde » de l’UNESCO, cette œuvre titanesque d’une durée de neuf heures trente est le fruit d’une douzaine d’années de recherches. Plutôt que de recourir aux images d’archives, le réalisateur Claude Lanzmann choisit de donner la parole aux témoins des camps de concentration – survivants, assassins, voisins – pour parvenir à raconter l’indicible génocide des Juifs européens par les Nazis durant la Seconde Guerre Mondiale. Indispensable travail historique et de mémoire, Shoah sera projeté dans sa version restaurée 4K.
"Œuvre monumentale, voire œuvre monument, Shoah occupe une place à part dans l’historiographie audiovisuelle de l’extermination des Juifs d’Europe. Sorti trente ans après Nuit et brouillard, le documentaire-fleuve de Claude Lanzmann fait, depuis 1985, figure de référence indépassée. Mais, sous l’ampleur intimidante de l’œuvre, sous l’avalanche de commentaires qu’elle a pu susciter et sous la révérence qu’elle inspire même à ceux qui ne l’ont jamais vue, réside un film qu’il convient de (re) découvrir pour en appréhender la valeur intrinsèque.
(Re)voir aujourd’hui Shoah permet d’apprécier la pertinence de ses principes structurels, dont la radicalité sert un puissant parti pris historique. Exempt d’images d’archives et affranchi du poids de la chronologie, le film de Claude Lanzmann s’ancre dans le présent (celui de la parole comme celui des lieux) pour évoquer un passé effroyable dans ses aspects les plus concrets. Au fil des souvenirs de rescapés, de témoins et d’auxiliaires de la solution finale, il substitue au catéchisme mémoriel la réalité d’une rampe, d’un quai ou d’une cheminée, démasque l’envers funeste d’un herbage ou d’une rangée de conifères plantés à la hâte pour recouvrir les traces d’un charnier… Dégagé de toute sentimentalité, il dessine les contours d’un événement rétif à toute représentation pour en nourrir notre mémoire et ne plus la lâcher."
-François Ekchajzer, Télérama