Citizen Kane
La vie d’un magnat de la presse américaine, racontée par ceux qui l’ont connu.
Le revoir avec un œil neuf, c'est constater que l'on ne peut s'en tenir à son impressionnante audace : son formalisme marqué par les cinémas allemand et soviétique des années 20, ses éclairages expressionnistes, ses décors démesurés, ses fameuses contre-plongées, son récit déconstruit, sa multiplicité de points de vue... Si le film reste irréductible à cette virtuosité, c'est qu'elle s'échafaude autour d'un point aveugle, d'un secret enfoui dans le temps et sous les images.
Citizen Kane, c'est le cinéma pris d'assaut par un jeune prodige qui s'est rendu suffisamment célèbre au théâtre et à la radio pour décrocher un contrat en or à Hollywood : on lui accorde toutes les libertés, et il les prend. Acteur reconnu déjà, il s'offre un vrai cadeau en interprétant Kane, ambitieux patron de presse, de 25 à 75 ans. Et à cette saga qui raconte le pouvoir, la fortune, la solitude et le passage du temps, il donne une forme somptueuse et baroque, avec une mise en scène qui défie les règles et bouscule les spectateurs. Ceux de l'époque furent, d'ailleurs, décontenancés, et le film considéré comme un échec. Welles ne retrouva jamais le pouvoir qu'il avait eu pour son premier film. Le destin de Citizen Kane était de rester unique en tout.
Frédéric Strauss, Télérama