Parfum de femme
Fausto, un ancien capitaine d'infanterie, vit à Turin avec une vieille parente et un chat castré. Un accident, survenu sept ans auparavant au cours de grandes manoeuvres, lui a fait perdre la vue et la main gauche. L'armée met à sa disposition pendant une semaine Giovanni, un jeune soldat, qu'il surnomme aussitôt Ciccio et qu'il emmène dans un voyage de Turin à Naples.
Une interprétation géniale de Vittorio Gassman qui fut saluée à Cannes en 1975.
Dionysiaque, impérial, Vittorio Gassman plane comme un orage sur le reste de la distribution. Il a ses formidables coups de tonnerre et ses averses brutales, ses ombres menaçantes, ses brèches de lumière. Cet aveugle féroce qui se croit avili par son infirmité, qui traque la beauté des femmes à l'odeur, les hume comme des fleurs et les renifle comme un chien, c'est peut-être le rôle de sa vie, le plus subtil, le plus chavirant.
Fascinée, la caméra le suit dans toutes ses outrances. A ses côtés, le petit enseigne paraît étrangement neutre, vierge. Un « puceau », un être neuf, face à ce grand blessé de la vie, mais aussi une sorte de réflecteur, un témoin, un double du spectateur. A travers l'équipée de ce drôle de tandem, Dino Risi livre une mordante satire de moeurs à l'italienne, bouffonne jusqu'au vertige, mais aussi une réflexion fébrile sur la souffrance, le dégoût de soi, la peur d'aimer et d'espérer. Et ce chef-d'oeuvre déroutant, ricanant, révèle sa seconde nature : un romantisme farouche, douloureux, bouleversant.
Cécile Mury, Télérama