Drii Winter

De Michael Koch
Suisse, Allemagne - 2022 - vost - 137' - Couleurs - Numérique
Synopsis

Dans un village alpin isolé du monde extérieur. Anna, qui est originaire du village et qui a une fille d'une relation antérieure, est amoureuse de Marco, un étranger venu de la plaine, engagé par les fermiers de la montagne. Ensemble, ils connaissent la joie d'un nouvel amour, mais lorsque Marco commence soudainement à perdre le contrôle de ses pulsions et à se comporter de façon erratique, une tension s'installe dans la communauté…

Critique

On n’aura jamais fini d’explorer la relation entre hommes et pierres, là où l’humanité touche à ses limites vitales et devient puissance immobile, là où la culture est tellement sédimentée qu’elle n’ose plus évoluer, là où le futur s’avère être un destin nécessaire. Mais là aussi où l’humanité est admirée dans sa grandeur majestueuse, dans le vertige de son noyau le plus transcendant. C’est cette relation entre hommes et pierres qui anime en secret le film de Michael Koch et rend ses pauses et ses fissures vibrantes. Les hors champs récurrents et la piste sonore qui les structure – musique comprise – tissent un réseau de résonances entre hommes et pierres, entre société et paysage, entre culture et nature : quelquefois de l’harmonie, dure comme une pierre, quelquefois de la distance, où les hommes se perdent. Oui, c’est dans les pauses et les fissures qu’il faut chercher le cœur battant de Drii Winter (A Piece of Sky), c’est là qu’on ressent la voix de la montagne, le silence des hommes, et surtout l’espoir et le désespoir de Marco et Anna, unis, séparés, puis réunis sur l’arc narratif d’une chute qui est exclusion et isolement.

C’est un coup de génie de la part de Michael Koch d’avoir explicitement joué le registre de la tragédie grecque dans les montagnes du canton d’Uri. Si la Suisse cinématographique a privilégié pour ses montagnes et ses habitants le cliché idyllique d’une société pure dans une nature pure – selon l’adagio puissant qui depuis Les Alpes d’Albrecht von Haller structure l’identité de la Suisse elle-même – ou bien la recherche de l’Autre, la bestialité, le morbide – selon un cliché complémentaire issu de la culture urbaine – Drii Winter tente et réussit un registre bien plus universel, malgré l’ancrage reconnaissable de la vallée d’Isenthal. Et d’universel il sait cueillir le double sens de la bienveillance propre aux sociétés nécessairement coopératives comme celles des communautés de montagnes : entre-aide, d’un côté, et intolérance pour le différent (et le malade), de l’autre ; ces deux côtés constituent une vérité douce-amère qui trouve dans l’histoire de Marco et Anna, et leur communauté, un exemple paradigmatique, digne d’une fable. Une fable aux tonalités documentaires.
Giuseppe Di Salvatore, filmexplorer

Projeté dans le cadre de

Du 20 Mars 2023 au 26 Mars 2023
Le Meilleur du cinéma suisse