La Garçonnière

De Billy Wilder
Etats-Unis - 1960 - vost - 125' - Noir et Blanc - Numérique
Synopsis

C.C. Baxter est employé dans une grande compagnie d'assurance. Dans l'espoir d'un avancement il prête souvent son appartement à ses supérieurs qui y emmènent leurs petites amies. Un jour le chef du personnel le convoque et lui apprend qu'il sait tout et lui demande aussi sa clé. Baxter est enfin promu, mais ce qu'il ignorait c'est que le chef du personnel emmenait dans son appartement la femme dont il était amoureux…

Critique

Deuxième des sept films tournés par Billy Wilder avec Jack Lemmon. La Garçonnière résulterait d'une promesse faite à l'acteur par le metteur en scène, ravi de sa composition dans Some Like It Hot, d'écrire un jour un scénario spécialement pour lui. La Garçonnière est aussi le premier d’une série de quatre films en CinémaScope noir et blanc (cf. One, Two, Three, Kiss Me Stupid, The Fortune Cookie) constituant un ensemble très original dans l'œuvre de Wilder. Ici, une comédie grinçante et amère se change peu à peu en un mélodrame déchirant auquel Wilder choisit de donner une fin heureuse. Ce très habile chevauchement de tons n’est pas seulement un effet de la virtuosité de l’auteur mais correspond aussi à la double nature de son propos. S'il sait décrire des personnages forts, des « gagnants » (cf. L'odyssée de Charles Lindberg ou Stalag 17 où William Holden incarnait un « gagnant » original et très mal vu de son entourage), Wilder aime aussi évoquer les perdants, les victimes, les exploités de la société, qui à ses yeux ne sont nullement des marginaux, mais plutôt des Américains moyens que leur douceur de caractère, leur fantaisie ont transformés en laissés pour compte du « struggle for life ». Shirley MacLaine (dans son meilleur rôle) et Jack Lemmon incarnent deux de ces exploités, l’un sur le plan sentimental, l’autre sur le plan professionnel. Sous l'effet d’une influence réciproque, ils trouveront le courage de se libérer de leurs chaînes. Le passage au mélodrame sert à révéler la vraie nature des deux personnages. Lemmon, faux bon vivant et faux Don Juan, est en réalité un esseulé, un tendre subissant la tyrannie et le chantage de ses chefs. Shirley MacLaine, jeune femme séduisante et convoitée, paye avec sa tristesse et ses suicides manqués sa malchance sentimentale. Le Scope noir et blanc ajoute au film un lyrisme secret, une gravité, un surcroît de réalisme qui enracinent l'intrigue dans une vérité émotionnelle encore un peu plus profonde. Comme dans ses meilleurs films, Wilder reste ici un peintre social très virulent : son vœu est d'éclairer d’une lumière crue et pourtant non dépourvue de tendresse les bas-côtés un peu honteux de la société dans laquelle il vit.

Jacques Lourcelles

Projeté dans le cadre de

Du 10 Juin 2020 au 30 Juin 2020
Une rétrospective