Manta Ray

De Phuttiphong Aroonpheng
Thailande, France, Chine - 2018 - vost - 105' - Couleurs
Synopsis

En Thaïlande, sur les rives d'une mer où des milliers de Rohingyas se sont noyé·es, un pêcheur retrouve un homme inconscient. Il se lie d’une étrange amitié avec cet étranger parfaitement muet... 

Critique

Grand Prix Orizzonti au Festival de Venise, ce premier long-métrage de Phuttiphong Aroonpheng plonge le spectateur au cœur de profondeurs abyssales, avec un récit initiatique porté par une puissante atmosphère visuelle et auditive : incontestablement, un grand cinéaste est né.

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"La forêt est pleine de cadavres (...) On dit que les pierres précieuses y brillent durant les nuits de pleine lune, mais tout le monde a peur d’y aller." Pour son premier long de réalisateur, Manta Ray, dévoilé dans la section Orizzonti de la 75e Mostra de Venise, le directeur de la photographie thaïlandais Phuttiphong Aroonpheng (remarqué pour son travail sur Vanishing Pointet The Island Funeral) a décidé de plonger le spectateur dans des eaux très profondes, dans une immersion atmosphérique visuelle et sonore de tout premier ordre, allant parfois jusqu’à l’onirisme et repoussant à l’arrière-plan un récit particulièrement énigmatique. Dédié aux Rohingyas, le film sème quelques indices ténus, mais il joue à entretenir l’incertitude dans l’esprit du spectateur jusqu’à basculer dans sa dernière ligne droite dans un étonnant renversement conceptuel qui apporte un relatif éclaircissement symbolique sur ses intentions narratives. Une confusion savamment entretenue (le cinéaste a aussi signé le scénario) qui pourra en agacer certains, d’autant plus que le rythme de l’intrigue minimaliste est à dessein ralentie, mais qui ne doit pas occulter l’essentiel : sur le plan purement cinématographique, Phuttiphong Aroonpheng est à l’évidence un grand talent en devenir.

(...) Délibérément cryptique, Manta Ray se révèle finalement une parabole sur l’identité, sur la perception que ce qui semble étranger n’est en réalité qu’un autre reflet de soi-même. Une construction du film en boucle plutôt artificielle qui est surtout pour le cinéaste une simple enveloppe contenant une profusion de qualités formelles, des ambiances sonores suggestives aux cadres magnifiquement maîtrisés. Un potentiel dont on est d’ores et déjà très curieux de connaître les futurs développements.

Fabien Lemercier

Projeté dans le cadre de