Buongiorno, notte

De Marco Bellocchio
Italie - 2003 - vost - 106'
Synopsis

L'enlèvement d'Aldo Moro en 1978 par des militants des Brigades rouges vu du point de vue de l'un des kidnappeurs, une jeune femme écartelée entre ses idéaux et ses sentiments empreints de charité humaine. Bellocchio réussit ici à la fois à peindre une époque, une conjoncture politique, qui a eu une importance décisive dans l'histoire de son pays, et à dessiner quelques portraits saisissants dont celui d'Aldo Moro juste avant sa mort.

Critique

Au vu du caractère explosif du matériau de base, les choix de Bellocchio ont de quoi surprendre. Par sa volonté de donner un visage aux cagoulés des BR et de faire naître l’empathie envers des personnages de fiction, aux actes condamnables, mais à l’humanité – certes factice parce qu’imaginaire – louable, Bellocchio avait conscience de se mettre en danger. Désireux de revisiter l’épicentre culturellement matriciel de l’histoire des BR, le vieux briscard du cinéma italien a opté paradoxalement pour une reconstitution volontairement bancale, aisément taxable de révisionnisme. Mêlant conformité documentaire (images d’archive, dates, connaissance quasi-exhaustive des événements, ressemblance physique entre le vrai Aldo Moro et l’acteur Roberto Herlitzka) et évasion fictionnelle, Buongiorno, Notte suit la voie d’alternance ouverte par la belle antinomie de son titre. Par un jeu subtil sur la musique (étonnante, tendue et dissonante), l’architecture et la construction des plans, Bellocchio homogénéise faits réels, broderies romanesques et fantasmes de drame onirique en un seul et même écrin. Au point que les séquences authentiques en viennent à sonner faux, parce que trop écrites, un rien emphatiques (voir la déchirante scène au Vatican, ou les rédactions des lettres), alors que les alternatives rêvées par la sceptique Chiara (troublante Maya Sansa) nous font perdre pied. Vertige de narration, justesse d’interprétation, inventivité scénographique: Buongiorno, Notte dépasse son strict intérêt historique pour s’affirmer pleinement sur un plan purement cinématographique. Une alchimie et un souffle qu’on n’avait pas ressentis depuis Nos Meilleures Années, de Marco Tullio Giordana. Une exception latine pas forcément enviable parce que motivée par un contexte détestable, mais certainement excitante d’un point de vue artistique.

Guillaume Massart, Film de Culte

Projeté dans le cadre de

Du 6 Novembre 2015 au 17 Novembre 2015
Histoire(s) d'Italie