6 Mars 2023

Brève rencontre

Le film de ma vie

«Le Film de ma vie»… à raison de quatre rendez-vous par année, un membre de l'Association des Amis des Cinémas du Grütli à l'occasion de choisir un film et le présente. Le lundi 6 mars 2023 à 19h00, Francine Pricam a choisi Brève rencontre, de David Lean (GB, 1945). Voici pourquoi:

« Quand on m’a appris que Brief Encounter (Brève rencontre)- le film de ma vie - avait été choisi, j’ai dit qu’avant de vous le présenter, je voulais le revoir, « inutile m’a-t-on répondu, quelques lignes issues de vos souvenirs suffisent ». Alors chiche, même si je me sens un peu sans filet, voilà ce dont je me souviens et voici pourquoi je peux dire que c’est le film de ma vie ou tout au moins pourquoi je pense immédiatement à ce film quand on me pose cette question. Tout d’abord je vais juste le remettre en contexte, je veux dire par rapport à ma vie personnelle : j’ai dû le voir pour la première fois, environ trente ans après sa sortie (1945), sans en avoir jamais entendu parler, je ne connaissais pas non plus les interprètes principaux Celia Johnson et Trevor Howard. (Je souligne ces détails simplement pour préciser que je n’ai pas eu besoin de connaître sa renommée pour avoir un coup de coeur qui dure encore aujourd’hui.) L’histoire m’a procuré une émotion intense que je ressens encore aujourd’hui. Comme son titre l’annonce, c’est la rencontre fortuite (« encounter » sous-entend cet élément de hasard) de deux êtres qui tombent amoureux. Ils sont mariés tous les deux, mènent une vie sans histoire. Ce sont des gens plutôt ordinaires auxquels on peut s’identifier facilement. Ce n’est ni Julia Roberts, ni Hugh Grant ! La réaction du mari de l’héroïne - qu’on peut rapprocher, je trouve, de celle du mari dans La Fille de Ryan, (un film postérieur de David Lean) - m’avait aussi beaucoup touchée et m’est restée en mémoire. Ce que j’aime avant tout dans ce film, c’est la simplicité du propos, la subtilité des sentiments exprimés à travers l’interprétation des deux acteurs principaux, à la fois intense et pudique. : tout est en demi-teinte, sans manichéisme. Grâce aux personnages secondaires récurrents, cette histoire d’amour s’inscrit dans le quotidien de la vie anglaise de l’époque, et - c’est ce qui fait également son charme, à mes yeux. Certains   de ces personnages vont d’ailleurs avoir une « utilité », interférer avec l’intrigue ou la ponctuer soulignant ainsi la routine et la banalité de la vie quotidienne d’où le couple semble momentanément exclu. Dans mon souvenir il y a aussi les trains, très importants dans le déroulement de l’intrigue puisque chacun des protagonistes va prendre son train…  Mais dans des directions opposées - et  bien sûr il y aussi et surtout la gare, premier lieu de rencontre, puis lieu récurrent. Les trains et la gare qui deviennent en quelque sorte des personnages. Apparemment la gare de Carnforth dans le nord Lancashire où a été tourné le film, est devenue un lieu de pèlerinage où l’on va boire le thé en souvenir du film - or boire le thé reste un rite essentiel de la vie anglaise. Ce film repose sur un scénario solide grâce aussi au fait qu’il est tiré d’une  pièce de théâtre de Noël Coward, Still Life , ce qui explique sa structure proche des conventions théâtrales comme beaucoup de films de l’époque, d’ailleurs. Il présente tout de même une certaine complexité puisqu’il commence par la fin. C’est tous ces éléments dépouillement et simplicité, de l’intrigue, unité d’action ancrée dans une réalité qui en font pour moi le film de ma vie. J’aime ce film parce qu’il est à la fois intemporel par les sentiments et très enraciné dans la réalité anglaise des années 40. J’ai découvert qu’il a été déclaré « best romantic picture » et classé deuxième d’une sélection de cent  films britanniques. »

Francine Pricam