Lemmings 1. Arcadie

"Les (anti) héros du premier volet de ce diptyque sont des lycéens de Wiener Neustadt, la petite ville proche de Vienne dans laquelle a grandi Michael Haneke. À l’automne 1959, qui marque le début du récit, le futur cinéaste avait lui-même 17 ans. Autant dire que Lemmings, son projet télévisuel le plus ambitieux, est peut-être son œuvre la plus personnelle. Le futur réalisateur de Caché s’est inspiré de personnes qu’il connaissait pour écrire cette fiction chorale, portrait d’une génération désenchantée avant même de connaître l’âge adulte. Tous sont en quête de sens et d’idéal dans une Autriche d’après-guerre encore traumatisée par la défaite et par son passé nazi ; tous se rebellent, avec plus ou moins d’intensité, contre l’ordre établi, les convenances d’une société corsetée et, en premier lieu, contre leurs géniteurs volontiers autoritaires.
Le titre du téléfilm, qui fait référence à des petits rongeurs réputés pratiquer une forme de suicide collectif en se jetant des falaises, ne laisse guère de doute sur la portée limitée de cette révolte, ni sur la dimension pessimiste, pour ne pas dire tragique, de ces parcours de vie. Dans la violence verbale, et parfois physique, des affrontements entre les personnages, Haneke se pose clairement en disciple de Bergman. Mais affirme par ailleurs des partis pris de mise en scène que l’on retrouvera plus tard dans ses films pour le cinéma, avec sa photo « neutre » et ses plans fixes cadrés au cordeau."
-Samuel Douhaire, Télérama