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De Ursula Meier
Suisse, France, Belgique - 2008 - vofr - 97' - Couleurs
Synopsis

Au milieu d'une campagne calme et désertique s'étend à perte de vue une autoroute inactive, laissée à l'abandon depuis sa construction. Au bord du bitume, à quelques mètres seulement des barrières de sécurité, se trouve une maison isolée dans laquelle vit une famille. Les travaux vont reprendre et on annonce l'ouverture prochaine de l'autoroute à la circulation...

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Critique

Ils sont rares, les films qui tirent jusqu'au bout le fil d'une intrigue imprévisible. Le premier long métrage d'Ursula Meier, ancienne assistante d'Alain Tanner, est à la fois dramatique et burlesque, satirique et fantastique. Cette fable baigne dans une esthétique hyperréaliste qui rappelle les publicités américaines à la gloire de l'électroménager.

La première partie, la plus réussie, dépeint l'étrange paradis d'un couple installé avec ses deux filles et son fils dans une bicoque en rase campagne, au bord d'une autoroute inachevée.

Un jazz Nouvelle-Orléans accompagne les récréations de ce clan euphorique : partie de hockey nocturne sur le bitume, jeux en salle de bains avec jets d'eau. Papa (Olivier Gourmet) s'acquitte des courses et des travaux, maman (Isabelle Huppert) de la cuisine et de la lessive - "J'vais faire du blanc !"

On observe ces gens avec curiosité et amusement : tout en poursuivant une vie sociale normale (papa travaille, les mômes vont à l'école), ils se sont imposé d'étranges contraintes afin de préserver leur intimité. Les difficultés s'accumulent lorsque les travaux publics viennent goudronner la chaussée qui leur servait de terrasse, déblayer leurs barbecue, transat et piscine gonflable, poser des rails de sécurité afin d'ouvrir un nouveau tronçon de voie rapide. Leur espace se réduit, les voilà parqués derrière une barrière.

L'autoroute, qui les a nichés dans une impasse, impose un flux quasi continu de voitures et de camions devant leur porte, complique leur accès à la ville, au réapprovisionnement. Il leur faut s'envoyer des sacs par-dessus les files de véhicules, ou traverser la nuit, ou par un tunnel souterrain, quelques mètres plus loin.

MÈRE À JUPE FLEURIE

Le train-train absurde que s'impose cette famille donne des gags dignes de Jacques Tati. Comme quand le père indique le chemin de son logis à un livreur de pizzas, ou lorsque les départs en vacances paralysent l'autoroute et que la petite smala se faufile entre les véhicules pour aller pique-niquer.

Marthe, irascible mère à jupe fleurie années 1950, résiste à la tentation qu'ont ses proches de plier bagage. Home suit le processus infernal de ce foyer qui, en voulant cultiver son bonheur marginal, est non seulement rattrapé par ce que la civilisation a de pire (foule, voyeurisme, nuisances sonores, pollution) mais se retrouve emprisonné.

Car le quotidien de ces faux Robinsons vire au cauchemar, les malaises cachés de la famille se révèlent, le film devient l'histoire d'une résistance suicidaire. On ne s'entend plus, on dort tous dans la même pièce côté campagne, bourrés de somnifères, fenêtres bouchées par des parpaings. Jusqu'à l'étouffement.

Jean-Luc Douin, Le Monde