La Terre de la grande promesse
Dans le dernier quart du XIXe siècle, trois étudiants nourrissent des rêves d'argent et de spéculation. De retour de Riga, les trois arrivistes décident de mener a bien leurs projets en s'installant a Lodz, cite de la laine et du coton, et symbole d'un monde industriel capitaliste en pleine expansion. Ils entament leur apprentissage à la dure et inhumaine école des industriels en place avec notamment le patron Bucholc. Accidents du travail, suicides d'hommes d'affaires ruines, meurtres d'industriels, paysans contraints a l'exode rural...
Pour rendre la folie et l'inanité de cet univers du profit forcené et la naissance finale d'une conscience révolutionnaire du lumpenproletariat. Wajda, selon son tempérament, a joué le jeu à fond, et il a animé sa caméra d'une frénésie peu commune qui confine parfois à l'hystérie: dans des travellings vertigineux, elle parcourt des kilomètres pour nous faire pénétrer comme sur un "train-fantôme" aussi bien dans des scènes champêtres idylliques (derniers refuge d'un "bonheur de vivre" condamné et sans doute regretté), que dans l'enfer des filatures où travaillent sans répit des hommes, des femmes, des enfants qui sont à la merci du moindre caprice des industriels tout-puissants, ou dans le "purgatoire" de ces derniers, dont la cruauté et la dureté prennent les formes les plus absolues. Le tableau que donne Wajda de la ville, de ses usines sales et menaçantes, de ses faubourgs pitoyables où grouille une foule misérable et abrutie, de ses résidences écrasées par une richesse ostentatoire, mais sans goût ni culture, comme celle de Müller, est impressionant: cela tient à la fois des descriptions de Dickens, de Zola, de Gorki, et des peintures naturalistes de la même époque (Corot, les premiers Van Gogh, Edward Münch) ou expressionistes allemands postérieures, comme celles de Knopf, Meidner, ou Grosz, témoins d'une protestation sociale.
Max Tessier, Ecran 75, in Wajda, Entretiens avec Jean-Luc Douin, 1981