Le Crime farpait

De Álex de la Iglesia
Espagne - 2004 - vost - 105' - Couleurs - 35mm
Synopsis

Le vendeur le plus séduisant d'un grand magasin tue un collègue rival par accident. Une des vendeuses du rayon parfumerie est témoin de la scène et en profite pour lui faire un perfide chantage sexuel…

Critique

Sacré bon sang! Quel plaisir de découvrir enfin sur les écrans romands une comédie qui mène ses idées jusqu'au bout. Qui ne trébuche pas sur les obligations de la bienséance. Qui se fiche d'être diffusée ou non (plutôt jamais!) en prime time à la télévision. A ce bonheur s'ajoute celui de retrouver Alex de la Iglesia, cinéaste mal aimé des distributeurs suisses, disparu du paysage romand sitôt après son premier film, Accion Mutante (1993).

Douze ans et une poignée d'inédits plus tard (Le Jour de la bête, Perdita Durango, Mes Chers Voisins et 800 Balles, tous excellents et disponibles en DVD), Le Crime farpait, sa dernière folie furieuse, sort. Et il faut en remercier Xenix, la société zurichoise qui ose prendre l'initiative de démontrer que Pedro Almodovar n'est pas l'unique hispanique frappadingue. Le Crime farpait n'est pas un film parfait. Juste «farpait» et c'est déjà beaucoup. L'histoire, d'abord, un modèle de satire ravageuse. Rafael (Guillermo Toledo), hidalgo sans morale, tient le rayon femmes d'un centre commercial. Il y est né et il y règne en maître, surtout auprès des jolies vendeuses qui prolongent volontiers leurs journées de travail en sa compagnie, dans les cabines d'essayage.

La plus moche Rafael vend ce qu'il veut à qui il veut. De même qu'il couche avec qui il veut. Mais un jour, il tue, par accident, son unique concurrent au poste de responsable d'étage: Don Antonio, chef du rayon hommes. Pour le malheur de Rafael, un témoin assiste à la scène: Lourdes (Monica Cervera), la plus moche des vendeuses. Laideron certes, mais avec de la suite dans les idées: elle accepte de se taire à condition que Rafael couche avec elle.

Alex de la Iglesia mène son jeu de massacre amoral avec style, exploite avec malice le décor du supermarché et ne recule ni devant le macabre ni devant le délit de sale gueule. Sa fresque burlesque prend systématiquement la pire direction imaginable. Et, par-delà l'efficacité d'un récit verrouillé, c'est tout un champ de la culture espagnole, des apparats de la réussite occidentale et du sexisme le plus banal qui sont labourés sans vergogne.

Thierry Jobin, Le Temps

Projeté dans le cadre de

Du 29 Janvier 2018 au 7 Mars 2018