Freaks

De Tod Browning
Etats-Unis - 1932 - vost - 64' - Noir et Blanc
Synopsis

Des êtres difformes se produisent dans un célèbre cirque, afin de s'exhiber en tant que phénomènes de foire. Le liliputien Hans, fiancé à l'écuyère naine Frieda, est fasciné par la beauté de l'acrobate Cléopâtre. Apprenant que son soupirant a hérité d'une belle somme, celle-ci décide de l'épouser pour l'empoisonner ensuite avec la complicité de son amant Hercule. Mais le complot est découvert, et les amis de Hans et Frieda vont se venger...

Critique

Cette «Marseillaise du pays des monstres» selon l’expression de Jean Boullet (in «Bizarre», février 1951), fait partie de cette poignée de films qu’on peut, sans exagération, qualifier d’uniques. Presque soixante ans après sa sortie, Freaks mérite encore ce qualificatif et rien n’est venu ternir ou atténuer son originalité. Dépassant les catégories traditionnelles du réalisme et de la fiction, du documentaire et la fiction horrifique, Freaks appartient un peu à chacune d’entre elles et, pour cela, est par excellence le film du malaise. Du côté du réalisme, il y a la présence des vrais monstres (fondant à elle seule l’unicité radicale du film) et l’aspect de chronique documentaire des coulisses de la vie d’un cirque (quoique le cirque en question paraisse bien petit pour abriter autant de monstres). Du côté du fantastique: la vengeance des monstres et l’opération, digne de L’Ile du Docteur Moreau, qu’ils ont pratiquée sur leur «victime». Du côté de l’horreur: nouveau manichéisme inventé par Tod Browning, opposant les monstres non responsables de leur monstruosité physique aux êtres normaux responsables de leur monstruosité morale. Ce sera aussi le propos d’Elephant Man. Les monstres, à cause de leur vulnérabilité, semblent décupler la monstruosité morale de certains êtres dits «normaux». En décrivant l’attitude de Cleo vis-à-vis à de Hans, Browning a voulu exprimer un condensé de ce que les êtres normaux font subir aux anormaux et, de façon plus générale, de ce que l’homme, dans certaines circonstances, peut faire subir à d’autres hommes: mépris, exploitation, haine calculée et destructrice. Du coup, la distinction entre normal et anormal, naturel et monstrueux, se brouille. Tout devient monstrueux et on s’aperçoit alors que la malaise provoqué par Freaks n’a d’autre origine que son humanité et son universalité. 

Jacques Lourcelles,  Dictionnaire des films , 1990

Projeté dans le cadre de