L’Ombre des anges
Le film est une adaptation de la pièce L’Ordure, la ville et la mort (Der Müll, die Stadt und der Tod) de Rainer Werner Fassbinder. Lily se prostitue sous un pont de Vienne mais ne ramène pas d’argent à son souteneur Raoul. Jusqu’au jour où "le riche promoteur juif" se présente, et lui propose de l’écouter et de devenir riche. Lily n’est plus la même et ses proches la renient. Lily voudra disparaitre...
Tourné à Vienne en 1975 dans des entrées d’immeubles vétustes aux murs lépreux, des palais délabrés, des ruines industrielles ou des terrains vagues au bord du Danube le film est une ronde macabre, celle d’un monde régi par les lois implacables d’une machinerie capitaliste terrifiante et mortifère. La photo sublime de Renato Berta fait surgir une beauté sans cesse menacée au coeur même de la laideur de cet univers en décomposition et célèbre la fragilité diaphane d’Ingrid Caven dans son rôle de prostituée trop belle qui se lasse très vite du pouvoir que lui confère sa faculté d’écouter, de recueillir les peurs des autres (dans la scène extraordinaire de l’industriel débitant son discours abject sur les chambres à gaz elle est debout, immobile, de dos).
Car Daniel Schmid fait de la pièce acerbe et sombre de Fassbinder un rituel d’opéra dont la stupéfiante beauté ne se fige jamais en esthétisme. C’est elle au contraire, la beauté, qui comme dans ses autres films, questionne inlassablement l’horreur du monde et refuse de l’accepter comme un fait acquis.
Claude Rieffel, A voir, à lire