La vie de Jésus

De Bruno Dumont
France - 1997 - vf - 96'
Synopsis

Chronique de la vie de Freddy, jeune épileptique, qui vit avec sa mère Yvette à Bailleul où elle tient le café Au Petit Casino, siège d'un club d'amateurs de pinsons qui concourent tous les dimanches et marquent à la craie sur un long morceau de bois le nombre de trilles de leur oiseau...

 

EN PRÉSENCE DE BRUNO DUMONT!

 

 

 

Critique

(...) En plans courts et denses comme des soupirs en musique, Bruno Dumont parvient à capter l'interminable. Jamais il ne se laisse contaminer par l'ennui qui écrase la ville. Avec une précision de médecin-réanimateur, il nourrit ses images de l'énergie que les enfants de Bailleul déploient pour meubler l'attente. Cela donne des séquences d'une beauté poignante, composées comme des tableaux de Magritte, avec ce mélange de réalisme livide et d'onirisme puissant. Freddy et ses copains, nichés dans une carcasse de voiture, au milieu d'une cour de ferme. Freddy et Marie, blottis dans la nacelle d'un téléphérique, surplombant les champs à perte de vue. Marie et Kader, enlacés dans les ruines d'un parc, sous un ciel bleu cobalt. Bailleul est une cité cruelle où l'anonymat n'existe pas. Impossible de se fondre dans cet environnement aux aguets. La cloche d'une église, le vrombissement d'une mobylette, l'aboiement d'un chien, le crissement d'un blouson de cuir : sans cesse, le silence de plomb reçoit de violents coups de griffes. Timide, complexé, Freddy n'a qu'un rêve, quitter ce « trou » et aller vivre à Lille, pour se noyer dans la masse. Car ici, très vite, n'importe quel être humain devient une bête curieuse. D'où ces gros plans impitoyables sur ces visages d'adolescents, qui ne pardonnent ni à l'acné, ni aux oreilles décollées, ni aux dents cariées. Bruno Dumont ne dévisage pas ces gamins d'un oeil sensationnaliste. S'il les scrute avec insistance, c'est pour montrer à quel point eux-mêmes se sentent toujours « matés ». On ne peut pas éternellement vivre comme un animal traqué. Pour échapper à ce triste sort, Freddy va devenir, presque par hasard, chasseur. Lui qui n'arrive pas à s'intégrer dans cette nature hostile, il se venge en empêchant l'intégration des autres, et bascule, avec ses copains de galère, dans la plus bête, la plus inexcusable, la plus abjecte violence raciste. Par petites touches, le film a révélé les souffrances secrètes de ce tortionnaire suicidaire à l'apparence si douce. L'indéfectible lien qui s'est tissé entre lui et nous ne rend pas sa dérive acceptable pour autant. Mais, en sourdine, le constat lucide de Jean Renoir dans La Règle du jeu revient à nos mémoires : « Sur cette Terre, il y a une chose effroyable, c'est que tout le monde a ses raisons. »

Marine Landrot, Télérama

Projeté dans le cadre de

Du 13 Septembre 2014 au 14 Septembre 2014
Séance unique: P'TIT QUINQUIN