Répulsion

Deux producteurs cherchaient un cinéaste pour tourner un bon petit film d'horreur. Ils trouvèrent Roman Polanski, jeune Polonais de 32 ans. Celui-ci choisit une actrice qui en avait 22 et était française, Catherine Deneuve. Et le petit film d'horreur se métamorphosa en un grand moment de cinéma, plus envoûtant que bêtement terrifiant.

Avec une caméra intrusive, Polanski traque Carol, la jeune fille détraquée qu'interprète Deneuve, et nous plonge dans son monde plein de bizarreries. Le silence et les phobies répulsives dominent : Carol semble détester la nourriture (elle la laisse pourrir), et les hommes au moins autant. Elle en laissera d'ailleurs pourrir deux. Mais ce chaos garde presque l'apparence innocente de la jeune fille, qui travaille dans un salon de beauté. Le jeu de Deneuve est parfait dans ce registre : c'est avec douceur qu'elle joue la folle hallucinée, un rôle où beaucoup d'actrices ont laissé l'hystérie spectaculaire l'emporter. Le film gagne ainsi en mystère, et même en fascination : Carol a un véritable pouvoir d'attraction, et Polanski semble lui-même hypnotisé, jusqu'au superbe dernier plan.

Frédéric Strauss, Télérama