Potiche

De François Ozon
France - 2010 - vf - 103'
Synopsis

En 1977, dans une province de la bourgeoisie française, Suzanne Pujol est l’épouse popote et soumise d’un riche industriel Robert Pujol. Il dirige son usine de parapluies d’une main de fer et s’avère aussi désagréable et despote avec ses ouvriers qu’avec ses enfants et sa femme, qu’il prend pour une potiche. À la suite d’une grève et d’une séquestration de son mari, Suzanne se retrouve à la direction de l’usine et se révèle à la surprise générale une femme de tête et d’action. Mais lorsque Robert rentre d’une cure de repos en pleine forme, tout se complique…

Critique

Ozon ose tout : glisser Deneuve dans un survêt, faire danser Depardieu sur un tube du groupe Il Etait Une Fois ou encore livrer, sous les atours d’une comédie ludique et sémillante, un regard singulièrement aigu sur notre époque.

Potiche se déroule en 1977 dans une bourgade du nord de la France, la bien nommée Sainte-Gudule. C’est là que vivent les Pujol, une famille d’industriels dont l’usine de parapluies constitue la principale activité économique de la région.

Le film commence au moment où des grèves d’ouvriers mettent à mal l’autorité de Robert Pujol (Fabrice Luchini), patron despotique que le film campe facétieusement en ancêtre de Sarkozy (“Casse-toi pauv’con !”).

Il est entouré d’une épouse soumise mais altruiste (Deneuve), d’une secrétaire dévouée (Karin Viard), de son fils, frais émoulu de Sciences-Po, genre de Hutch, mais vivant pour l’art et votant à gauche (Jérémie Renier), de sa fille, enfin, “drôle de dame” coiffée en Farrah Fawcett et en instance de divorce, encore plus réac que papa (Judith Godrèche).

Voilà le réalisateur lâché sur son terrain de jeu favori : la veine parodique et sophistiquée, celle d’Angel et de 8 femmes. Potiche fait son chemin entre soap familial et théâtre de boulevard, avant que l’histoire n’accouche d’un bras de fer entre monsieur et madame – après que celle-ci a repris les rênes de l’entreprise avec l’appui de son ex-amant et député syndicaliste (Depardieu).

A partir de là, le foyer Pujol devient le théâtre d’un pugilat politique où tous les coups sont permis, même (surtout) les plus pourris.

Ozon transforme son portrait de famille en petit laboratoire des mutations sociales de la fin des années 1970, où s’affrontent l’émergence d’une pensée ultralibérale d’un côté et le développement d’une politique sociale et progressiste de l’autre.

Tels des Atrides giscardiens, ou les Ewing de Dallas, les Pujol se livrent une guerre sans merci, dont la dimension comique masque mal la brutalité. Par un système de clin d’œil et d’écho, le film résonne aussi avec le paysage politique d’aujourd’hui : les guerres fratricides à l’intérieur des familles politiques, le divorce Hollande-Ségo, et surtout l’ascension politique de cette dernière, lorsque, entre autres exemples drôlissimes, dame Pujol évoque pour se faire élire la beauté des oiseaux.

Ozon en profite pour capter une actrice au sommet de sa hypitude. Star du passé investie par de jeunes réalisateurs cinéphiles, actrice d’un pur présent (par ses choix ultra contemporains) plus cool souvent que beaucoup de ses cadettes (posant par exemple en couguar pour le magazine gay Têtu), Deneuve devient dans Potiche une créature du futur antérieur : celle qui, au passé, va changer les choses, modifier les mentalités et la perception de la femme dans une société encore patriarcale.

Ce point de rencontre entre une actrice (atemporelle) et son personnage fait de Potiche non seulement une comédie alerte résonnant avec l’air du temps, mais un sublime manifeste féministe, s’ajoutant à tous ceux déjà réalisés par Ozon.

mily Barnett, Les Inrocks

Projeté dans le cadre de

Du 23 Juillet 2014 au 19 Août 2014
Quinze films à voir et revoir