The Land of Hope

De Shion Sono
Japon, Taïwan, Royaume-Uni, Allemagne - 2012 - vost - 133'
Synopsis

Un tremblement de terre frappe le Japon, entraînant l'explosion d'une centrale nucléaire.
Dans un village proche de la catastrophe, les autorités tracent un périmètre de sécurité avec une bande jaune qui coupe en deux la localité. Une sorte de ligne de démarcation absurde, entre danger bien réel et sécurité toute théorique.
Au sein de la famille Ono, les parents, âgés, choisissent de rester. Leur fils et son épouse acceptent d'être évacués pour fuir la radioactivité…

Critique

LA TERRE OUTRAGÉE

Sono Sion ne perd pas de temps pour tourner. Il ne perd pas de temps non plus dans le choix de ses films. Fukushima, toile de fond de son précédent long métrage (le monumental Himizu), n'est déjà plus qu'un souvenir dans The Land of Hope. La catastrophe racontée ici est la catastrophe d'après. "Tu n'as rien vu à Fukushima", semblent dire les autorités aux personnages de The Land of Hope. Le vieux héros n'est pas dupe des foutaises qu'on tente de lui faire avaler. La menace dans The Land of Hope est invisible, c'est un souffle d'air qui soulève un rideau. La belle-fille enceinte (interprétée par la muse de Sono, Megumi Kagurazaka) a une vision et voit l'air vicié comme une marée de sang rouge. Il faut être fou pour croire qu'il ne se passe rien, comme l'épouse du héros dont la tête est ailleurs. Ou enfoncer sa tête dans le sable, comme tous les autres. Pourtant, si l'on ne voit rien, on entend les grondements de la catastrophe. Les sons du bébé à naître sont également surmultipliés. Et les victimes qu'on dit irradiées sont déjà traitées comme des pestiférés, fantômes évidents d'Hiroshima.

D'autres fantômes traversent The Land of Hope. Sono Sion est comme eux, se fait mauvaise conscience d'un Japon endormi, ou pétrifié. Il n'y a pourtant rien d'héroïque dans le comportement des personnages, ou dans l'entêtement du vieux, de l'aveu même de ce dernier. « Lorsqu’un homme est fort, il fuit », entend-on, donnant un kick dans les genoux de l’image habituelle du héros face au monde. Sono Sion n’a pas foi en l’institution, en l’autorité, mais en l’individu. On a rarement senti autant d’empathie de la part du réalisateur pour ses personnages, perdus dans un décor hanté comme les jeunes gens de Kaïro fuyant une ville morte. Mais pour représenter le cauchemar, Kurosawa se référait à Hiroshima. La terreur sourde est ici bien plus actuelle.

The Land of Hope, s’il poursuit les thématiques entamées par le réalisateur dans ses précédents films, surprend. La narration est plus classique, la mise en scène beaucoup moins baroque. Film plus calme, plus doux. Comme chaos debout. Certains ne voient que de l’esbroufe dans ses précédentes réalisations. Les plus belles scènes de The Land of Hope sont aussi les plus simples. Un jeune homme demande son amie en mariage dans un décor halluciné, près d’une maison déracinée qui tient en équilibre. Une vieille femme danse seule pour une fête des morts qui n’existe même plus, rejointe par son mari dans les ruines. Le bonheur le plus vif nait sur une terre outragée. Le titre, effronté, promet une terre d’espoir alors qu’il y règne la désolation. Sono Sion croit pourtant en une force intérieure qui, même mise à mal, peut venir à bout de la pire catastrophe. Le dénouement mi-idyllique mi-amer va dans ce sens. D’apparence plus sage,The Land of Hope distille pourtant ses visions impressionnantes, celles d’un cinéaste comme aucun autre.

Nicolas Bardot

Projeté dans le cadre de

Du 30 Avril 2014 au 12 Mai 2014