Philomena

De Stephen Frears
France - 2013 - vf - 98'
Synopsis

Irlande, 1952. Philomena Lee, encore adolescente, tombe enceinte. Rejetée par sa famille, elle est envoyée au couvent de Roscrea. En compensation des soins prodigués par les religieuses avant et pendant la naissance, elle travaille à la blanchisserie, et n’est autorisée à voir son fils, Anthony, qu’une heure par jour. À l’âge de trois ans, il lui est arraché pour être adopté par des Américains. Pendant des années, Philomena essaiera de le retrouver.
Quand, cinquante ans plus tard, elle rencontre Martin Sixmith, journaliste désabusé, elle lui raconte son histoire, et ce dernier la persuade de l’accompagner aux Etats-Unis à la recherche d’Anthony.

 

Adaptation du roman The Lost Child of Philomena Lee de Martin Sixsmith.

Critique

L'Eglise catholique irlandaise est décidément bien coupable. On se souvient encore de l'émoi provoqué par The Magdalene Sisters (Stephen Frears l'évoque d'ailleurs au détour d'un dialogue savoureux), qui montrait l'enfer subi par des adolescentes enfermées dans les couvents, à l'orée des années 1960. Rebelote à travers le cas, très proche, d'une jeune fille-mère à qui l'on a arraché son enfant pour le vendre à une famille de riches Américains. Cette épreuve terrible, Philomena Lee (Judi Dench, grande dame du théâtre anglais) l'a longtemps tue, par honte, par culpabilité. Son fils, jamais revu, aurait aujourd'hui 50 ans. Cet anniversaire réveille des souvenirs et déclenche chez elle le désir d'en savoir plus. Un journaliste va l'aider dans sa quête.

Le sujet, inspiré d'une histoire vraie qui a défrayé la chronique outre-Manche, est grave. Mais le film diffère du réquisitoire rageur de Peter Mullan dans The Magdalene Sisters. Avec l'aide de Steve Coogan (acteur, scénariste et humoriste), Stephen Frears a brillamment réussi à mixer drôlerie et émotion : le film est donc un croisement insolite de comédie dramatique engagée et de... buddy movie, de « film de potes ». C'est en effet un curieux attelage que forment Philomena et Martin, journaliste de son état. Ils n'ont rien en commun : ni l'âge ni la culture. Elle est une incarnation de la vieille Irlande, toujours dévote malgré ce qui lui est arrivé, tirée à quatre épingles, économe, sourde à l'ironie, gavée aux romans à l'eau de rose. Lui a fait Oxford, a travaillé pour la BBC et le gouvernement : c'est un intellectuel désabusé, aussi agnostique que spirituel, très british, beau parleur, mais déprimé pour cause de chômage prolongé. L'histoire de Philomena ? A priori pas sa tasse de thé. S'il accepte de la raconter, c'est par pur opportunisme.

Leur recherche les amène à voyager ensemble, au fin fond de l'Irlande, sur le lieu du « crime », puis aux Etats-Unis, à Washington. Cohabitation pas évidente : il lui reproche sa naïveté, elle n'apprécie guère son dédain. Mais chacun fait des efforts, l'un et l'autre apprennent, surtout, la tolérance. Si l'espoir des retrouvailles avec le fils, relancé à plusieurs reprises, maintient le suspense, c'est la complicité inattendue, teintée de sollicitude, entre les duettistes qui séduit par sa justesse et sa finesse.

(...) La plupart du temps, le réalisateur évite le chantage lacrymal, à l'image de Judi Dench, formidable en mère Courage qui ne s'apitoie pas sur son sort. Une femme qui, en faisant son bonhomme de chemin, acquiert une dignité étonnante. Elle qui ne connaissait pas la révolte veut finalement que la vérité se sache. Sans esprit de vengeance ni haine. Respect !

Jacques Morice

Projeté dans le cadre de

Du 16 Mars 2015 au 11 Mai 2015
2ème cycle