Titi

De Ida Panahandeh
Iran - 2020 - vost - 103' - Couleurs - Numérique
Synopsis

Un physicien qui est sur le point de prouver une thèse sur la fin du monde rencontre Titi, une gitane rom iranienne qui gagne quelques centimes en nettoyant les hôpitaux, elle devient mère porteuse… 

Critique

On connaît Ida Panahandeh pour son très beau film Nahid. Depuis, les écrans français boudent mystérieusement la cinéaste qui pourtant en arrive à sa quatrième œuvre de cinéma. Elle revient vers le public européen avec ce joli Titi qui met en valeur, sans doute pour la première fois dans le cinéma iranien, le peuple des Roms. L’héroïne est gitane. Elle incarne une femme qui n’a aucune existence sociale, étant écartelée entre son statut de femme non mariée, sans droit aucun, et l’attrait que lui voue un bourgeois iranien. On la croit folle, naïve, voire imbécile. En réalité, Titi étouffe dans la non-existence où elle est privée du droit fondamental à dire non et à faire valoir sa personnalité. Son corps est vendu à un couple stérile qui utilise son ventre pour porter un enfant qui ne lui appartiendra jamais. Elle est sujette aux violences conjugales, aux humiliations de son prétendant mais aussi à l’instrumentalisation par un Iranien aisé. Pour autant, Ida Panahandeh ne fait pas de son personnage une femme brimée et sans épaisseur. Il y a beaucoup d’énergie et de beauté dans cette Fadette des temps modernes. La réalisatrice se veut une nouvelle fois, à travers son personnage, l’ambassadrice de la condition des femmes à travers le monde. Elle accuse certes la société iranienne qui entretient un rapport de domination avec le deuxième sexe, mais aussi nos sociétés occidentales et aisées se targuant d’un modèle égalitaire et soucieux du statut de la femme. Chacun est renvoyé dans ses buts, et il serait maladroit de ne percevoir dans ce récit que l’éloge de la douceur et de la naïveté. Titi est bien plus que cela. Elle incarne le combat à mener dans les années qui viennent pour plus d’égalité sociale et culturelle, et le droit des minorités à exister. Titi est donc un film très politique. Derrière le récit fantastique et romantique, se cache une réflexion intense sur le droit des femmes à faire valoir leurs identités particulières. Le film est porté par une mise en scène et une image volontairement impressionnistes. Le spectateur a la sensation de voir sur l’écran la démonstration d’une œuvre atemporelle qui combine les effets de style, le brouillage des époques, à la façon d’une œuvre picturale romantique. En ce sens, la réalisatrice réussit son coup en proposant une œuvre hautement polémique tout en offrant une histoire agréable, écrite à la manière d’un roman de George Sand ou d’un tableau du Douanier Rousseau.

Frédéric Michel, avoir-alire.com

Projeté dans le cadre de

12 Juin 2023
Titi, de Ida Panahandeh