Ernest et Célestine - Le Voyage en Charabie

De Julien Chheng, Jean-Christophe Roger
France - 2022 - vofr - 79' - Couleurs - Numérique
Synopsis

Ernest et Célestine retournent au pays d’Ernest, la Charabie, pour faire réparer son précieux violon cassé. Ils découvrent alors que la musique est bannie dans tout le pays depuis plusieurs années. Pour nos deux héros, il est impensable de vivre sans musique ! Accompagnés de complices, dont un mystérieux justicier masqué, Ernest et Célestine vont tenter de réparer cette injustice afin de ramener la joie au pays des ours…

Critique

Un nounours musicien, une «sourifillette» sortie d’une poubelle: ces deux-là tirent leur plan à la belge. Avec des idées louftingues. (…) Quoi, vous ne connaissez pas la Charabie? Suivez le guide, Ernest y embarque Célestine dans son deuxième dessin animé. L’ours mélomane veut réparer sur sa terre natale son précieux violon. Mais patatras! en arrivant au pays, le duo tombe des nues: la musique a été bannie depuis plusieurs années dans toute la région. De quoi aller de Charybde en Scylla, mordre sur sa chique et espérer un justicier masqué. C’est que depuis 1981, il leur en arrive de belles, à ce plantigrade hédoniste et sa minuscule amie. À se demander qui, au fond, protège l’autre depuis que Monique Martin, une jeune fille belge avec un petit grain zinzin, sous le pseudonyme de Gabrielle Vincent, les extirpa de la poubelle de ses idées noires. La délicate «sourifillette» orpheline et l’ours glouton en confiture, mal assortis mais bien léchés, allaient connaître 1000 aventures déclinées en 24 albums. 
Sous la douceur des pastels ébouriffés de tendresse, la créatrice donnait un sacré coup de griffe à ses idées noires, n’hésitant pas à évoquer l’absurdité de la condition humaine, l’insondable bêtise des gens en général, et en particulier leur occasionnelle mais si cruelle méchanceté. L’écrivain Daniel Pennac, un hypersensible lui aussi, qui cache ses blessures sous le cuir de son cartable d’ancien prof, ne s’y est pas trompé à la fin des années 1980, quand, découvrant un recueil de fusains sur un étal, il est cloué par l’émotion. En Gabrielle Vincent, l’écorché identifie une âme sœur, écrit à l’artiste recluse à Ixelles, dans un chiche appartement en banlieue bruxelloise sans salle de bains. Une correspondance s’établit, elle se moque du succès, l’ivresse créative la pousse à occulter ses fenêtres de papier kraft et à débrancher le téléphone. L’excentrique meurt en 2000, mais le fil demeure. Et il y a dix ans, en scénariste idéal, avec les cinéastes punk Patar et Aubier, Daniel Pennac signe le dessin animé parfait. «Je vais vous raconter l’histoire d’Ernest et Célestine, déclare-t-il à l’époque. S’ils la racontaient eux-mêmes, on n’y comprendrait rien, car Ernest et Célestine ne sont jamais d’accord. Pas étonnant, tout le monde vous le dira: un ours et une souris amis, ça ne se peut pas! Jamais! Scandaleux! Absolument interdit! Et pourtant, personne ne pourra empêcher leur amitié. Personne, vous m’entendez?» Depuis, l’auteur de 77 ans s’est mis en retrait. La deuxième échappée sur grand écran d’Ernest et Célestine est signée par les Français Jean-Christophe Roger et Julien Chheng. Le duo connaît la musique, il a déjà réalisé une série de 26 épisodes pour France Télévisions et prépare une deuxième saison. Mais ça, c’est pour plus tard, après la Charabie.

Cécile Lecoultre, 24h