Une Histoire d'amour et de désir

De Leyla Bouzid
France, Tunisie - 2021 - vofr - 102' - Couleurs - Numérique
Synopsis

Ahmed, 18 ans, français d’origine algérienne, a grandi en banlieue parisienne. Sur les bancs de la fac, il rencontre Farah, une jeune Tunisienne pleine d’énergie fraîchement débarquée à Paris. Tout en découvrant un corpus de littérature arabe sensuelle et érotique dont il ne soupçonnait pas l’existence, Ahmed tombe très amoureux de cette fille, et bien que littéralement submergé par le désir, il va tenter d’y résister.

Critique

Elle l’aime, il l’aime, leurs parents sont d’accord, rien ne va. Ce pourrait être une histoire juive, c’est une manière de synthétiser le deuxième film de Leyla Bouzid, délicate entreprise de démolition des clichés, dont la singularité emporte sans crier gare sous une facture classique. Lui, c’est donc Ahmed (fantastique Sami Outalbali), 18 ans, dont on ne discerne d’abord que le dos perlé de gouttes d’eau, filmé au plus près dans une scène de douche habituellement dévolue aux actrices selon un texte fameux de Virginie Despentes, qui laisse augurer un renversement de perspective. Puis c’est son regard apeuré et interrogatif, qui envahit l’écran et ce faisant les spectateurs. Ahmed habite une cité dans une banlieue qui n’est pas nommée et le film s’ouvre sur un événement fracassant et intime : sa première journée à la fac. Dès les premiers plans, la caméra de Leyla Bouzid fait preuve d’une aptitude rare pour dévoiler avec presque rien, quelques détails à l’exactitude tranchante, l’intériorité de ses protagonistes. Ce peut être, par exemple, les bras qu’Ahmed écarte à l’entrée de la fac, devant le vigile qui lui demande juste d’ouvrir son sac, dévoilant une longue habitude. Ahmed croise Farah (la révélation Zbeida Belhajamor, jeune comédienne tunisienne pour la première fois à l’écran) boule de lumière et de sourire, aussi à l’aise qu’il ne se sent pas à sa place. Il la recroise dans le métro. C’est elle qui l’aborde. Elle débarque tout juste de Tunisie, elle est venue à Paris pour ses études. Ses parents lui envoient de l’argent : « Gros sacrifice. » Qui est le plus dépaysé ou paumé des deux ? Elle converse en français et en arabe avec dextérité. Lui ignore la culture et la langue de ses parents. Entre eux, la question est cruciale. On les voit d’ailleurs suivre des cours sur la littérature érotique du Xe siècle. Comme les protagonistes, la plupart des spectateurs apprennent grâce au film son existence. Une histoire d’amour et de désir ne vaut pas que par son sujet, mais il n’empêche que celui-ci n’est rarement voire jamais abordé : la perte de la virginité masculine. Et plus spécifiquement la terreur de la première fois, chez un jeune homme, qui se trouve être élevé dans des codes où la virilité est exacerbée et ne doit pas être une question. Ahmed est amoureux de Farah. Mais il ne sait que faire de son désir à part prendre la fuite. Comment une jeune femme encaisse-t-elle le choc aujourd’hui, dans un monde où cet effroi n’est pas concevable ?

Anne Diatkine, Libération

Projeté dans le cadre de

Du 17 Juin 2022 au 19 Juin 2022
Festival International du Film Oriental de Genève
5 Avril 2023
Une Histoire d'amour et de désir, en séance unique !