Lettre d'amour

De Kinuyo Tanaka
Japon - 1953 - vost - 98' - Noir et Blanc - Numérique
Synopsis

Cinq ans après la fin de la guerre, Reikichi Mayumi, un homme triste et meurtri, trouve un petit emploi dans un quartier populaire de Tôkyo : il écrit des lettres d’amour, le plus souvent adressées par des femmes japonaises à des soldats américains de l’armée d’occupation retournés dans leur pays. Il croise par hasard la femme qu’il a autrefois aimée, Michiko. Chez elle aussi la guerre et les années d’occupation ont laissé des traces. Un nouveau départ à deux est-il encore possible pour eux ?

Critique

Le cinéma de Tanaka est rempli d’amours contrariées mais il n’est ni moralisateur, ni militant. Il y  a, dans tous ses films, le deuil d’une pureté perdue ou la nostalgie d’une innocence envolée.  Reikichi après avoir longtemps pourchassé une illusion, retrouve une âme perdue. 

Hiroshi et Naoto, symboles d’une vision optimiste de l’avenir, sèment des petits cailloux sur le chemin qui séparent les ex-amants. Reikichi est prié de pardonner, Michiko de se délester d’une opprobre trop lourde à porter.

Au cœur des tourments des deux protagonistes, le film travaille une forme moderne. La séquence où Michiko, sommée de prendre une décision, est transpercée par les phares des voitures, semble tout droit sortie d’En quatrième vitesse de Robert Aldrich. Il fait suite à un plan antonionien, les deux personnages, muets, semblant perdus dans une immensité de décor reflétant l’ampleur de leurs doutes intérieurs. 

Kinuyo Tanaka fit un voyage aux États-Unis en 1949 en qualité d’ambassadrice de bonne volonté, pour autant ces références fonctionnent pour nous de manière rétroactive. Aldrich et Antonioni étaient les parfaits contemporains de la japonaise, loin, l’un et l’autre, d’avoir affirmé leur style en 1952, date du tournage de Lettre d’amour. La liberté de ton et la recherche formelle de ce premier long-métrage étonnent encore aujourd’hui. La première ne cessera d’irriguer la filmographie de Tanaka, notamment à travers des destins féminins dramatiques, la seconde trouvera son apogée avec Maternité éternelle avant de peu à peu basculer vers une maîtrise plus classique.

François-Xavier Thuaud, le Bleu du Miroir

Projeté dans le cadre de

Du 4 Mai 2022 au 24 Mai 2022
Six films de Kinuyo Tanaka, réalisatrice !