La Mif

La mif, en verlan, c’est la famille. Or la famille, c’est précisément ce qui fait défaut à toutes les protagonistes du film, adolescentes en détresse placées dans un foyer où elles tentent de recoller les morceaux de leurs vies. Avec sa caméra-vérité, le film de Fred Bailif nous plonge d’emblée dans le bain de cette cohabitation avec une scène intense qui revient hanter le film comme un leitmotiv. Les mentons sont fiers, le ton monte, il y a à l’écran une urgence tangible à respecter la dignité et la pudeur de ces jeunes filles, et cette urgence déborde jusque dans leurs corps qui frappent, baisent, et cherchent avant tout à s’imposer à notre regard.

C’est pourtant avant tout de la bienveillance et de la pudeur que l’on remarque dans le regard que Fred Bailif pose sur ses héroïnes. Le film trouve son relief propre via un long travail d’improvisation et d’écriture collégiale avec des actrices non professionnelles, dans un rôle parfois très proche de leur vraie vie (la charismatique Claudia Grob dans le rôle de la chaleureuse directrice de foyer au bout du rouleau). Si ce drame social documente les failles de l’éducation institutionnelle, le douloureux ras-le-bol de celles qui ne sont entendues qu’à condition d’hurler, il se concentre surtout avec chaleur sur la vie de cette autre famille : une sororité au-delà des générations.

Gregory Coutaut, Le Polyester