À la vie

De Aude Pépin
France - 2021 - vofr - 78' - Couleurs - Numérique
Synopsis

Chantal Birman, sage-femme libérale et féministe, a consacré sa vie à défendre le droit des femmes. À presque 70 ans, elle continue de se rendre auprès de celles qui viennent d’accoucher pour leur prodiguer soins et conseils…

Critique

La passion de Chantal Birman pour son métier n’a jamais faibli. À 70 ans, prendre sa retraite lui « arrache le cœur ». Sage-femme libérale, elle intervient à domicile auprès de jeunes mères tout juste rentrées chez elle avec leur nouveau-né. En Seine-Saint-Denis, Chantal Birman va d’appartement en appartement pour s’occuper des corps et des âmes. Elle vérifie les cicatrisations, aide à la mise au sein du bébé, annonce un cordon ombilical sur le point de tomber, se réjouit d’une courbe de poids qui part à la hausse. Rien ne lui échappe non plus du désarroi qui s’empare de beaucoup de mamans dont l’épuisement fait trembler la voix. C’est l’un des points aveugles de notre société tellement occupée à célébrer le bonheur de la maternité qu’elle en occulte les difficultés. Face à la peur de ne pas comprendre ce petit étranger sorti de soi ou à une inquiétude pour son enfant qui fait perdre jusqu’au sommeil, Chantal Birman pose avec beaucoup d’humanité les paroles qui apaisent. Le temps consacré à chacune permet de repérer chez l’une un rapport difficile à l’alimentation, chez l’autre une immense solitude après la fuite d’un pays où son mari la battait et retient ses deux aînés. Aude Pépin filme à la manière dont Chantal Birman aborde ses patientes, sans faux-semblants et avec tendresse. Elle la suit dans ses visites, traînant une lourde valise jusque dans les cages d’escalier. La jeune stagiaire qui l’accompagne, Hortense l’amène à parler de sa pratique et évoque avec elle de manière contradictoire le droit à l’avortement que cette féministe a toujours défendu. 

Les rencontres avec ses collègues doublent le portrait de Chantal Birman d’un tableau préoccupant de la périnatalité en France : flux tendus en salles de naissance, augmentation du nombre de parturientes par sage-femme, recours systématique à la péridurale, perte du sens du métier, prise en charge de pathologies et non plus de femmes dans leur entièreté… Surgit un fait largement méconnu, central pour saisir l’étendue du rôle des sages-femmes : plus de femmes meurent par suicide après la naissance de leur bébé que dans l’hémorragie de la délivrance pourtant au cœur des enseignements et des préoccupations médicales.

Corinne Renou-Nativel, La Croix

Projeté dans le cadre de

1 février 2022
Avant-première de À la vie