Les Éternels

Avant de faire de beaux films sur l’Amérique des laissés-pour-compte (The Rider, Nomadland), Chloé Zhao était une petite Chinoise passionnée de Star Wars. Aux commandes de la nouvelle superproduction Marvel, la cinéaste réalise un rêve personnel : elle se projette dans un univers fabuleux à travers un double, la Britannique Gemma Chan, née en Chine la même année qu’elle, en 1982. La comédienne interprète Sersi, une femme de tête et de cœur, timide et audacieuse : un personnage riche en contrastes pour mener les Éternels, des superhéros qui protègent l’humanité depuis la nuit des temps. Mais le maître de l’univers veut nous sacrifier… L’éclectique Chloé Zhao remet de l’enthousiasme dans la fantaisie Marvel, qui, ailleurs, vire souvent au matraquage. Son film revisite la mythologie et parle de notre rapport aux mystères de la Création et à un Dieu qui nous ­aurait faits ; il retourne dans le passé et semble chercher une forme de sagesse tout en courant après les gros méchants monstres. C’est trop, sans doute. Mais on peut pardonner ce péché de gourmandise, les lourdeurs et apprécier la saveur d’un spectacle où se télescopent un show de Bollywood et une ­vision de la désolation de Hiroshima. Dans cette science-fiction qui agrège tout, parle d’union des esprits et se veut résolument inclusive (un des Éternels a formé une famille homoparentale), la Terre devient un enjeu moins infantile. Elle est menacée, comme toujours chez Marvel, mais, pour une fois, elle est là, dans toute sa beauté — avec ses vagues, ses plaines, ses roches, sa matière… —, qui se réchauffe et qu’il faut remettre à bonne température. Nul besoin d’un autre message : voilà des superhéros écologiques dans l’âme. Une bonne nouvelle.

Frédéric Strauss, Télérama