Engrenages

De David Mamet
Etats-Unis - 1987 - vost - 135' - 35mm
Synopsis
Margaret Ford, brillante psychanalyste, considerée comme trop froide par ses clients, est un jour poussée à bout par un de ses patients, Billy Haln, qui la menace de se suicider si elle ne l'aide pas à honorer ses dettes de jeu vis-a-vis d'un certain Mike. Margaret accepte. Elle se rend à la maison de jeux et découvre un univers qui la fascine. Mike et ses amis, après avoir tenté de la plumer, lui démontrent quelques-unes de leurs arnaques favorites. Pour Margaret, c'est l'engrenage et sa vie rigide va tout à coup être bouleversée par cette passion.
 
Critique

Est-ce que vous vous croyez à l’abri d’une mauvaise expérience ? », susurre une malade à sa psy. La psy arrête de prendre des notes, regarde sa patiente, hésite un instant. Puis se reprend : « Personne n’est à l’abri d’un coup dur. » Tout va bien. Le spectateur, lui, n’est pas dupe. C’est David Mamet qui a écrit les dialogues. La question est donc au pire une menace, au mieux un avertissement. Réponse dans une heure et demie. 

En attendant, Margaret (Lindsay Crouse), cette psychothérapeute célèbre, se retrouve dans l’arrière-salle d’un bar glauque. Elle se prend au jeu d’une partie de poker, coachée par un certain Mike (Joe Mantegna). Mais il s’agissait d’une fausse partie, d’une arnaque dont elle était le pigeon. Loin d’être échaudée, elle est au contraire fascinée et demande à Mike de lui servir de guide dans l’univers de l’escroquerie. Il accepte, au-delà de ses espérances. 

Bluff permanent, jeu de miroirs à l’infini entre le réel et l’imaginaire, le vrai et le faux, le bien et le mal, Engrenages laisse chacun choisir son angle (polar urbain, histoire d’amour, comédie sophistiquée, parcours initiatique) et son degré (du premier au dixième, quitte à changer en cours de route). David Mamet ne se contente pas d’aligner les retournements de situation en virtuose, il a l’élégance de les saupoudrer d’un humour glacé dévastateur. Ainsi les lapsus révélateurs que ne cesse d’aligner Margaret lorsqu’elle discute avec sa vieille collègue. Et la mise en scène de Mamet, discrète mais ingénieuse, souligne habilement son propos. 

Enfin, et peut-être surtout, Engrenages est la révélation d’une femme à elle-même. Imbattable sur les tréfonds de l’âme des autres, elle s’ignore totalement et vit barricadée dans ses névroses. A travers cette « expérience », peut-être « mauvaise », elle se découvre et c’est magnifique. A la fin du film, la voir gauler le briquet d’une voisine de resto est absolument jubilatoire.

Olivier Nicklaus, Les Inrockuptibles, 1986

Projeté dans le cadre de

22 Août 2021
Dimanche 22 août à 17h15