Assurance sur la mort

De Billy Wilder
Double Indemnity - Etat-Unis - 1944 - vost - 103' - Noir et Blanc - Numérique
Synopsis

Walter Neff, un employé d'une compagnie d'assurances, tombe amoureux de sa cliente Phyllis Dietrichson, qui réussit à le convaincre d'échafauder avec elle un plan pour supprimer son mari encombrant et violent et ainsi partager avec elle l'assurance-vie de ce dernier… Barbara Stanwyck, Fred MacMurray et Edward G. Robinson, associés pour le meilleur… mais surtout pour le pire, dans cette œuvre plus noire que noire du maître de la comédie.

Critique

Troisième film américain et première œuvre importante de Billy Wilder avec un générique prestigieux à la rubrique scénario : Chandler (dans son premier travail pour le cinéma) adaptant James Cain avec Wilder lui-même, (Chandler déclara que sa collaboration avec Wilder avait abrégé ses jours ; Wilder, lui, sembla ravi de l'apport de Chandler et en particulier de ses dialogues, très différents du matériau original.) Relatant un fait divers réel, et d'ailleurs assez banal, le film est à double fond. C’est d’abord une œuvre significative et historiquement importante dans le courant du film noir. À l’intérieur de la structure policière, la notion de fatalité remplace le suspense sur l'identité du coupable: dès les premiers mots du dialogue (confession de Neff), le spectateur sait tout de l’auteur du crime et de son échec final. Le personnage de la« femme fatale » est parfaitement représenté dans ses traits les plus caractéristiques : charme physique, perversité morale, cupidité, mesquinerie, férocité bourgeoises. L'autre aspect primordial du film, plus précisément wildérien, c’est d'être un duel d’intelligences : intelligence des deux criminels face à celle de l'enquêteur Keyes (E.G. Robinson). Le personnage de l'enquêteur, accessoire pour l'aspect film noir de l'œuvre, devient ici essentiel. La scène capitale du film et la plus typique de l’apport de Wilder est celle où le patron de la compagnie d’assurances, un idiot complet qui croit jouer au plus fin, convoque dans son bureau, sans rien comprendre à ce qui se trame, les deux criminels ainsi que Keyes, qui, lui, commence à entrevoir la vérité, mais ne l'atteindra cependant jamais par lui-même. Ce deuxième aspect réintroduit très habilement, sur le plan dramatique, le suspense des films policiers traditionnels. Il ajoute encore au pessimisme de l’auteur. Wilder se plaît en effet à observer la nocivité du rôle de l’intelligence dans le destin de ses héros, et de quel maigre secours elle leur sera, une fois qu'ils auront mis le pied dans l’engrenage. Quant à l'enquêteur, malgré son flair, ses connaissances et toute sa pratique, il n’y aura vu que du feu. Wilder partage avec deux autres cinéastes ce souci de toujours scruter le rôle de l'intelligence dans le cours du destin des personnages : Preminger, viennois comme lui et autre élève de Lubitsch, et Mankiewicz. Cette recherche qui leur est naturelle à tous les trois donne à leurs intrigues une saveur à la fois ironique et désenchantée, très stimulante sur le plan de l’art. Elle est peut-être, dans le cinéma américain, la part la plus cachée et la plus spécifique du goût européen.

N.B. Juste avant la sortie du film furent coupées les scènes finales : procès et exécution dans la chambre à gaz de Walter Nef. La fin définitive est si réussie (Keyes allumant. la cigarette de Neff) qu’on ne saurait les regretter.

Jacques Lourcelles

Projeté dans le cadre de

Du 10 Juin 2020 au 30 Juin 2020
Une rétrospective