Balloon

De Pema Tseden
Chine - 2019 - vost - 102' - Couleurs
Synopsis

Dans les prairies tibétaines, Dargye et Drolkar mènent une vie sereine et ordinaire avec leurs trois fils. Un ballon à la forme oblongue déclenche une série d'embarras et de dilemmes qui viendra briser l'harmonie au sein de leur communauté, tiraillée entre conservatisme religieux et émancipation sexuelle. Spiritualité, politique et tradition s’entremêlent brillamment dans cet élégant drame baigné de lumière glaciale.

Critique

Sélectionné dans le section Orrizonti à la Mostra de Venise 2019, Balloon est l’un des deux films de Pema Tseden à faire l’actualité cette année, aux cotés de Jinpa. Remarqué en 2018 avec Tharlo, le berger tibétain, le Festival Allers-Retours dédié au cinéma d’auteur chinois nous a permis de nous émerveiller devant ce nouveau film (...)

Alors que Tharlo, dernière œuvre remarquée de Pema Tseden, abordait avec gravité, dans un noir et blanc maussade, la vie tragique d’un berger qui a trop vécu en dehors de la modernité pour s’intégrer en société, Balloon explore des horizons différents. Cette famille dont il est question, comporte sept membres, en comptant la sœur de l’épouse et le grand-père non mentionné ci-dessus. À travers eux, Pema Tseden met en scène des enjeux de toutes natures, de manière parfaitement logique et cohérente, que ce soit la politique familiale de l’administration chinoise, l’émancipation de la femme, les habitudes sexuelles des hommes, et le poids des traditions par son membre le plus ancien. Il s’agit d’un vaste programme que le réalisateur prend à bras le corps et en utilisant aussi bien des registres dramatiques que comiques.  (...) C’est cette qualité que Balloon possède totalement et doit nous alerter sur le fait que Pema Tseden est en train de devenir un cinéaste asiatique incontournable. 

Au-delà de cette intention amenée de la meilleure manière, Balloon dispose également d’autres points positifs non négligeables. La colorimétrie de son décor tibétain est merveilleuse, adoptant une teinte gris-bleu et une pointe de rouge pour la tenue de l’épouse, et la magnifique kesa (tenue bouddhiste) de sa sœur nonne, qui lorsque le personnage apparaît avec son couvre-chef, crève totalement l’écran. Pema Tseden n’oublie pas non plus que le cinéma est art visuel et malgré une intrigue très sociologique, il dote son film d’une image et d’une photographie uniques. Enfin, Balloon, lors de ses incursions comiques, est vraiment drôle. L’œuvre se rit d’une certaine masculinité, comme pour se moquer, presque tendrement, de l’épaisseur des hommes et des petits garçons. Son grotesque n’est jamais vulgaire et propose même une scène mémorable de bagarre, avec en caméo l’acteur qui incarnait Tharlo dans son précédent film.

Maxime Bauer, EastAsia