La chambre du fils
Giovanni est psychanalyste. Dans son cabinet qui jouxte son appartement, ses patients lui confient leurs névroses, tandis que sa vie privée est réglée par un tissu d'habitudes : lire, écouter de la musique et s'épuiser dans de longues courses à travers la ville.
Un dimanche matin, Giovanni est appelé en urgence par un patient. Il ne peut aller courir avec son fils, comme il le lui avait proposé. Andrea part plonger avec ses amis. Il ne reviendra pas...
La Chambre du fils débute par une série d’effets de reconnaissance. Mais cette agréable impression de «déjà-vu» camoufle une ambition plus haute, un film à la fois plus simple - d’une simplicité biblique : une famille perd son fils - et plus subtil. Le premier défi consiste à filmer le bonheur familial. Dans cette première partie qui précède l’accident de plongée d’Andrea, Moretti opte pour une linéarité presque lisse. Mais la mort accidentelle du fils ouvre un gouffre. Moretti brise soudain la fluidité du film, et introduit par un effet de montage le devenir de ses personnages : trois solitudes murées dans leur douleur supplantent soudain la famille idéale. (...)
Qu’inventer pour rendre sensible un temps bloqué sur l’instant de la tragédie et une totale perte de sens ? Athée, le monde de Moretti ne peut en appeler à une quelconque transcendance pour soigner son désarroi ; rationnel, il lui faut composer avec l’aléatoire meurtrier, la part du hasard. Si la famille est détruite, le film l’est aussi, comme arrêté sur l’événement qui le fonde. Et c’est à ce moment-là qu’il devient vraiment admirable. La Chambre du fils a la beauté simple d’un nouveau départ.
Serge Chauvin, Les inrockuptibles