Insoumises

De Laura Cazador, Fernando Perez
Cuba, Suisse - 2018 - vost - 94' - Couleurs - Numérique
Synopsis

En 1819, le chirurgien suisse Enrique Faber s’installe à Baracoa, où il épouse la superbe Juana et se lie d’amitié avec son domestique noir. Peu à peu, d’étranges rumeurs naissent à son sujet : en réalité, Enrique serait une femme. Commence alors l’un des procès les plus scandaleux de l’histoire coloniale de Cuba…

Critique

Elle fait partie de ces figures féminines que l’histoire nationale a ignorées. Enriqueta Faber, née à Lausanne en 1791, est la première femme à avoir exercé le métier de médecin à Cuba, sous les traits d’un homme. Inconnue en Suisse, elle est devenue l’icône de la communauté lesbienne, transgenre ou encore des militants antiesclavagistes sur son île d’adoption. Le film Insoumises lui rend hommage sous les traits de Sylvie Testud. Méconnaissable, l’actrice française incarne à la perfection ce personnage flamboyant dont l’éthique ne fléchit devant aucun obstacle.

C’est lors d’un séjour à Cuba, il y a dix ans, qu’André Martin, producteur du film, entend parler pour la première fois d’Enriqueta Faber. «On me l’a d’abord présentée comme une Allemande, raconte-t-il, chacun réécrivait son histoire à sa manière; il existait de multiples versions parfois contradictoires.» De retour en Suisse, André Martin fait des recherches et découvre que cette femme au parcours extraordinaire est Suisse. Que sait-on d’elle? Mariée très jeune à un soldat enrôlé dans les troupes napoléoniennes, Enriqueta se retrouve veuve à 18 ans. Déguisée en homme, elle part alors à Paris pour étudier la médecine, puis s’embarque pour Cuba en 1819. Dans la ville de Baracoa, dans l’est du pays, elle devient Enrique Faber, ce chirurgien à la peau claire qui soigne les nécessiteux et intrigue la bonne société locale. Lorsque la vérité éclate sur son mariage avec une femme en 1823, elle se retrouve au cœur d’un des procès les plus scandaleux de l’histoire coloniale de Cuba.

L’atmosphère capiteuse de Baracoa, saturée de valeurs religieuses, transparaît à merveille dans Insoumises. Dans la moiteur tropicale de l’île rompue au commerce d’esclaves, où les inégalités sociales crèvent les yeux, Enriqueta Faber refuse la domination blanche. Au milieu des effluves de cigares et de rhum, de la végétation luxuriante qui enserre la cité coloniale, elle se dresse face aux préjugés, repoussant les faveurs d’une société clientéliste qui voit en elle une alliée. Puis vient la rencontre avec Juana de Leon, belle sauvageonne que la société rejette pour avoir perdu sa virginité avant le mariage – elle a en réalité été violée par un influent marchand d’esclaves. Enriqueta la sauve d’une fièvre tenace et, très vite, l’idylle brûlante s’enracine. A l’église, le mariage est célébré avec ferveur et dentelle noire, un tremplin qui affranchit Juana des commérages. Dans le même temps, les manières peu viriles du médecin sont de plus en plus questionnées. Lorsque son travestissement apparaît au grand jour, les flammes et bientôt les foudres de la justice coloniale se déchaînent contre elle. Séparée de Juana qu’elle tente de sauver de l’opprobre, Enriqueta ne trouve la rédemption que seule, face à la mer. (...) 

Sylvia Revello, Le Temps du 8 mars 2019

Projeté dans le cadre de