Désir meurtrier
Une femme au foyer qui vit sous les ordres de son mari tyrannique voit sa vie bouleversée par le stress après avoir été violée par un cambrioleur.
Dans un cinéma japonais qui représente la femme comme une humble servante, un pâle fantôme, une sorcière échevelée, une amante hypnotisée par ses malheurs, une ensorcelante geisha, la façon qu’a Imamura de peindre ses damnées de la terre surprend. (...) Lui qui accusa son maître Ozu de trop maintenir la caméra à distance, de rester neutre, passif envers le réel, il s’implique dans le décor, transfigure l’inconscient des personnages. Il joue de la longue focale pour distiller une impression d’enfermement. Et des reflets, portes entrebaîllées, regards à travers des lunettes fumées d’une rivale jalouse, pour donner le sentiment d’une perpétuelle surveillance. Imamura impose sans excès un cocktail d’expressionnisme et d’onirisme par lequel il transpose le désarroi. On n’oubliera pas ces plans de trains filant sur tes rails, comme un leitmotiv. Le reflet du visage déformé de Sadako dans un fer à repasser. Le tunnel angoissant, digne du Kami! de Wajda. Et ce ballet de tramways vides et silencieux par lequel il évoque l’accablante indécision de son héroïne, perdue comme une chauve-souris sans radar.
Jean-Luc Douin