Les Innocents aux mains sales

De Claude Chabrol
France, Italie, RFA - 1975 - vofr - 125' - Couleurs - Numérique
Synopsis

Julie est l'épouse de Louis Wormser, un homme riche et alcoolique qui ne s'occupe jamais d'elle. Elle est séduite par Jeff, un jeune écrivain, et devient sa maîtresse. Ensemble, ils décident de tuer Louis afin de vivre heureux et que Julie hérite de sa fortune

Critique

Quand Claude Chabrol flirt avec le nanar, ce n’est jamais innocent… Et même un film comme celui-ci, souvent considéré comme mineur, peut s’avérer une petite caverne d’Ali-Baba et une belle leçon pour le cinéphile. Claude Chabrol ne porte pas en très haute estime Les innocents aux mains sales (…), mais avec son ton farceur habituel, il isole parfaitement en même temps ce qui a pu susciter un certain intérêt chez lui : pousser jusqu’au bout l’idée d’un personnage féminin unique traqué par un regard masculin dominant, en faisant aussi du spectateur un certain complice de ce voyeurisme : en guise de spectacle, une femme fatale transformée en proie d’une menace oppressante et absurde. En 1975, Claude Chabrol vient de terminer ce qui est souvent considéré comme son grand cycle de films décrivant la bourgeoisie, notamment ceux avec Jean Yanne, Michel Bouquet et Stéphane Audran, qui ont redoré du point de vue critique une carrière devenue moins assurée, semblant vagabonder soit dans de lourdes productions pas toujours convaincantes (Landru, La Ligne de Démarcation) ou dans les chemins de traverse d’un feuilletonesque populaire revisité avec plus ou moins de bonheur… (les TigresLa Route de CorintheMarie-Chantal contre le Dr Kha). D’une certaine manière, Les Innocents aux mains sales achève cette période « dorée » : c’est le dernier opus produit par André Génovès pour le cinéaste. Il prend sa place immédiatement après l’aboutissement de la relation cinématographique de Claude Chabrol avec l’âme damnée de la nouvelle vague, Paul Gégauf, (Une partie de plaisir) et il est clairement d’une économie plus commerciale : un environnement dont Chabrol s’était finalement détourné depuis Les Biches (1968). Ici, on semble même clairement orienté sur l’« exportation » avec la présence de deux stars internationales (Rod Steiger et Romy Schneider) qui vont tourner leurs scènes en anglais. Le « système » mis en place avec Génovès avec succès sur les précédents films semble ici se tordre à la volonté soudaine d’une co-production européenne plus mercantile, exploitant la réputation du « maître du suspens à la française », avec un sujet policier qui parait avoir ici des ressources essentiellement symboliques et abstraites, en fouillant moins en tout cas le tissu sociologique français que les récentes œuvres du cinéaste. En exploitant l’énième situation d’un jeune couple épouse/amant qui cherche à se débarrasser d’un riche mari encombrant et impotent, Claude Chabrol va cependant faire comme Hitchcock sur ses films mineurs : en profiter pour se focaliser plus explicitement sur la mise en scène et offrir au spectateur certaines clés d’approche théoriques qui pourront resservir pour l’analyse de l’ensemble de son œuvre. (…)

Guillaume Bryon

 

Projeté dans le cadre de

Du 10 Juillet 2019 au 20 Août 2019