Ludwig ou Le Crépuscule des dieux

De Luchino Visconti
Italie, RFA, France - 1972 - vost - 285' - Couleurs - Numérique
Synopsis

Évocation du règne de Louis II de Bavière, protecteur des arts (et en particulier mécène de Richard Wagner qui lui dut son salut et la possibilité de réaliser ses plus belles œuvres) et de la complicité presque amoureuse qui le lie avec sa cousine Sissi…

Critique

Réédition de Ludwig – le crépuscule des dieux de Visconti, dont la version intégrale de 4h42 constitue la fresque clé du cinéaste italien. Celui-ci devenant surtout intéressant quand, comme ici, son système baroque déraillait, quand le vernis de la reconstitution se craquelait. A noter, surveiller, ou réclamer, deux films tournés à la même époque par un cinéaste allemand controversé mais oublié, Hans-Jürgen Syberberg, Ludwig, requiem pour un roi vierge et Le Cuisinier de Ludwig. Deux films plus rares et méconnus qui pourraient compléter ce sujet fascinant sur lequel Visconti a apporté un point de vue définitif. Trois raisons de voir ou revoir cette œuvre folle et malsaine :

 Pour Romy Schneider

Courageusement, l’actrice autrichienne, qui avait été marquée par le rôle d’Elisabeth d’Autriche (1837-1898), alias Sissi, qu'elle incarna dans une trilogie sirupeuse des années 1950, accepta de reprendre à trente ans passés, ce personnage dont elle avait eu tant de mal à se défaire, dans le contexte totalement différent du cinéma de Visconti. Sortie avec peine de cet enfer de carte-postale autrichien, Romy s'était réfugiée en France, où des cinéastes comme Jacques Deray et Claude Sautet lui offrirent des rôles plus consistants. Avec, la comédienne revenait donc à ses origines pour être la cousine de Louis II de Bavière avec qui elle amorce une amitié amoureuse non consommée. Le décalage de la maturité et la distance lasse de Romy confèrent au personnage une grâce qu'il n’avait pas dans ses premières incarnation. Un choix d'actrice éclatant ; le meilleur complément possible du maladif Berger.

 Pour Helmut Berger

Révélé par Visconti dans Les Damnés, égérie homosexuelle par excellence, et accessoirement amant du cinéaste, Helmut Berger fut un des premiers emblèmes de la redéfinition du masculin/féminin à l’aube des années 1970, simultanément avec Fassbinder et Bowie. A quoi on peut ajouter une troisième figure, un cinéaste allemand plus méconnu, Werner Schroeter, chantre de la décadence opératique avec lequel Berger ne tourna pas mais aurait pu. Bref, Berger as Ludwig est un pantin se démantibule sous nos yeux, un roi ambitieux miné par sa délicatesse dépressive. Evidemment le meilleur rôle de Berger qui incarne, à seulement vingt-huit ans, le roi jusqu'à sa mort tragique et prématurée. Grâce à lui Wagner tutoie Shakespeare…

 Pour Luchino Visconti

Auteur assez maniéré, fresquiste passéiste, Visconti a commencé à devenir intéressant lorsque son cinéma s'est déglingué, lorsque après le racoleur Mort à Venise il s'est lancé dans cette aventure insensée de Ludwig, qui lui a miné la santé, au diapason de son personnage dont il filme l'agonie avec un sens de la laideur ou de l'horreur qu'on ne lui connaissait pas. Pour un peu, Visconti rejoignait avec Ludwig la folie mécanique et macabre des giallos qui faisaient alors fureur en italie. En tout cas, il a su grâce à ce film malade ou/et sur la maladie dépasser ses tendances décoratives ; il les fait valdinguer tout en enfonçant profondément la tête de son héros sous l'eau, métaphoriquement comme physiquement.

Projeté dans le cadre de

Du 10 Juillet 2019 au 20 Août 2019