Le Faussaire
Dans Beyrouth écartelée par une guerre fratricide, un reporter allemand, Georg Laschen, enquête sur les causes du conflit. Il y retrouve Ariane, une ancienne maîtresse, venue au Liban avec son mari. Il découvre l'horreur de la guerre et, désespéré d'avoir eu à tuer un Arabe, il rentre en Allemagne et refuse d'y vendre les informations qu'il détient…
Le Faussaire, c'est d'abord le portrait d'une ville martyrisée. Toute la folie des hommes, leurs haines ressassées, leurs idéologies fratricides, l'atroce absurdité de leurs combats, toute cette folie concentrée sur quelques kilomètres carrés. Une ville innocente, longtemps paisible, que la nuit transforme en fournaise, en brasiers, en bûchers, et qui, le jour venu, s'obstine à retrouver, au milieu de ses ruines - et malgré les coups de feu des tireurs isolés, - sa douceur orientale. Car on vit à Beyrouth, on y travaille, on y boit encore l'arak aux terrasses des cafés, on y joue (et les enfants, sous le soleil, imitent les gestes des combattants de la nuit), on y prie, on y rêve à la paix, à l'amour. Heures de répit pendant lesquelles les frontières s'abolissent, tandis que ceux qui vont tuer et ceux qui vont mourir fourbissent leurs armes.
Film sur Beyrouth, mais également sur un homme, un journaliste allemand (Bruno Ganz est parfait dans le rôle) envoyé là pour rendre compte des événements. Georg Laschen a quitté l'Allemagne sans regrets.
Cette rupture, pense-t-il, va lui permettre de voir clair dans le conflit qui l'oppose à sa femme, de débrouiller l'inextricable écheveau que sont devenus leurs rapports.
En finir avec les incertitudes, les rabâchages, les faux-semblants. Ne plus être dupe de soi-même et de l'autre, ne plus risquer de prendre " pour une vraie vie une vie de faussaire ".
Ce besoin de lucidité, de loyauté intellectuelle, Georg l'éprouve pareillement dans l'exercice de son métier. Quand il arrive à Beyrouth, il ne connaît de la situation que ce que ses confrères en ont dit. S'il sympathise, d'instinct, avec les Palestiniens, c'est " parce qu'ils sont les plus faibles ". Mais il sait que le problème est infiniment complexe et que, malgré sa " manie allemande " de toujours vouloir distinguer les bons et les méchants, il lui sera difficile de porter un jugement équitable. Il envie le photographe qui l'accompagne (Jerzy Skolimowski) : " Lui a la chance de ne voir que ce qu'il voit, c'est à moi qu'est réservé le doute. "
Le doute, un des mots-clés du film. Qui tire sur qui dans cette ville démente ? Qui a raison et qui a tort ? Où sont les bourreaux, où sont les victimes ? De quel côté de la " ligne de mort " se situent les vrais responsables ?
Jean De Baroncelli, Le Monde