Les héritières

De Marcelo Martinessi
Paraguay, Germany, Uruguay, Brazil, Norway, France - 2018 - vost - 98' - Couleurs - Numérique
Synopsis
Asuncion, Paraguay. Chela, riche héritière, a mené la grande vie pendant 30 ans avec Chiquita. Mais au bord de la faillite, elle doit vendre tous ses biens et regarde Chiquita, accusée de fraude, partir en prison. Alors qu’elle n’a pas conduit depuis des années, Chela accepte de faire le taxi pour un groupe de riches femmes âgées de son quartier et fait la rencontre de la jeune et charmante Angy. A ses côtés, Chela prend confiance en elle et cherche à ouvrir un nouveau chapitre de sa vie.

 

 
Critique

Le Paraguay, enclavé entre l’Argentine et le Brésil, miné par la pauvreté et les inégalités sociales, miné aussi par trente-cinq ans de brutale dictature, n’a pas vraiment eu le loisir de développer un cinéma identifiable. Hamaca Paraguaya s’en fut certes à Cannes en 2006, mais semble ne pas avoir laissé à la rédaction de souvenir tenace… Et voici qu’arrive les Héritières, premier long métrage de Marcelo Martinessi, dont la comédienne Ana Brun a été récompensée par un ours d’argent à Berlin cette année. Le film commence, et cela semble parfait, par nous montrer le monde depuis un trou de souris, ou presque, une caméra subjective enregistrant depuis l’entrebâillement d’une porte la vente d’éléments d’un salon bourgeois et décrépit - argenterie, verres en cristal, lustre. Règne une obscurité mortuaire, on croit respirer l’odeur de renfermé, et les premiers moments du film sont passés à s’en faire pour la santé mentale de celle qui assiste à ce dépeçage, une héritière sexagénaire que l’on attrape au dernier temps de sa dégringolade sociale. Chela (Ana Brun) mutique et hébétée, assiste ainsi à la braderie de ses souvenirs de famille, alors que sa compagne, Chiquita (Margarita Irún), s’apprête à entrer en prison, accusée de fraude après un endettement massif. Nous sommes ici en terrain bourgeois et privilégié, assez émancipé dans un pays conservateur pour vivre en couple lesbien, mais pas suffisamment pour se passer d’une bonne, ou s’empêcher de la réveiller en pleine nuit.

Elisabeth Franck-Dumas, Libération