Les oiseaux de passage

De Ciro Guerra, Cristina Gallego
Colombie, Mexique - 2018 - vost - 125' - Couleurs - Numérique
Synopsis

Dans les années 1970, en Colombie, une famille d’indigènes se retrouve au cœur de la vente florissante de marijuana. Se basant sur une histoire vraie, les cinéastes insèrent une action à la Coppola dans des paysages de Western.

Critique

Dans la péninsule comlombienne de la Guajira, avec ses étendues désertiques au ras des flots, un jeune Indien wayuu revient au village. Il jette son dévolu sur la jolie fille d'une matronne respectée, au cours d'une étonnante danse initiatique de l'oiseau. Pour payer la dot, il se lance dans le trafic de marijuana à grande échelle, à destination des Etats-Unis. Au risque de faire basculer un mode de vie millénaire dans une guerre des clans surarmés… Pour raconter les tout débuts des cartels en Colombie, à l'aube des années 70, les cinéastes Cristina Gallego et Ciro Guerra ont choisi la voie du mythe, comme dans une tragédie grecque, une épopée homérique. Ils mettent en scène un héros faible, une malédiction familiale, des déchirements entre désirs coupables et lois immémoriales, puis la fatalité de la vengeance. Avec un messager, le choeur des villageois et même un récitant. Divisée en plusieurs cantos («chants»), cette fresque héroïque, vive et fort bien cadrée, couvre vingt années en pratiquant l'ellipse, et ses personnages restent gravés dans les mémoires. Le cinéma « a le pouvoir de vous emmener vers des lieux où habitent des gens qui comprennent le monde d'une façon opposée à la vôtre. Faire du cinéma est une aventure. Le voir devrait l'être aussi», explique Ciro Guerra, qui avait déjà signé L'Etreinte du serpent (2015), extraordinaire film en noir et blanc retraçant l'odyssée d'explorateurs européens dans la juungle amazonienne montrée du point de vue des Amérindiens, transe sous herbe sacrée comprise… Un nouveau film qui vaut le voyage — ou plutôt le «trip»!

David Fontaine, Le Canard Enchaîné