L'Ecole buissonnière

De Jean-Paul Le Chanois
France - 1949 - vofr - 89' - Noir et Blanc - Numérique
Synopsis

En 1920, dans un petit village de Provence, M. Pascal, jeune instituteur, se heurte au manque d’intérêt de ses élèves. Il décide de changer radicalement les méthodes employées par son prédécesseur. Il écoute les enfants, s’inspire de leurs découvertes, les emmène dans la nature, cherche à mettre en valeur les capacités et les goûts de chacun.

Critique

Une petite école de village, des murs de classe défraîchis où pendouillent des cartes de géographie comme frappées de désuétude. Les gamins ont l’accent du Midi et le nouveau maître, sobre et décontracté, tranche immédiatement avec la doxa de l’époque. Ici, pas besoin de se mettre au garde-à-vous pour entrer en classe. Le professeur parle de liberté, de dessin, de pages de cahiers arrachées, de faire voter les élèves ! Monsieur Pascal (Bernard Blier), dans le film, c’est Célestin Freinet dans la réalité. Le scénario a d’ailleurs été écrit à partir d’un synopsis d’Élise, l’épouse du créateur de « l’école moderne ».

La scène ou l’instituteur amène son “cadeau de Noël” est superbe : les enfants ouvrent le paquet et découvrent une casse d’imprimerie. « On pourra écrire des livres ? » demande un élève ; « oui, sur tout ce que vous voudrez, ce que vous aurez appris, entendu, le résultat de vos enquêtes. On pourra y mettre des gravures si on trouve du linoléum » répond le maître.

L’imprimerie scolaire : le pilier de l’éducation rénovée selon Freinet. Le maître rebelle va alors faire avec les moyens du bord : ironiquement, les premiers journaux des élèves sont imprimés sur des vieux bulletins électoraux « de toutes les couleurs » ajoute-t-il avec une malice certaine. Monsieur Pascal va à la rencontre des notables du village pour chercher quelques aides matérielles ou financières. L’un d’eux, un petit patron, lui répond sans détour que ces simagrées sont bien inutiles pour des enfants : « De quoi j’ai besoin ? De paysans et d’ouvriers. Un peu d’histoire et de géographie, les quatre opérations, c’est suffisant. Sinon, ils veulent tous devenir des monsieurs ».

Un conte de fée laïc

Tout en restant modéré, L’école buissonnière demeure un film militant : pendant que la classe de Monsieur Pascal fourmille d’enthousiasme, un plan séquence lugubre nous montre la classe de sa collègue Mademoiselle Lise, sèche comme un coup de trique : les filles lisent péniblement une leçon d’histoire sur Louis XIV. Belle caricature de l’enseignement traditionnel…

Comme dans un conte de fée laïc, envers et contre tous, l’instituteur réussira, prophète de bonheur au milieu de ses jeunes ouailles, à convaincre les parents. L’histoire, dans le film, connaît une belle fin, contrairement à la réalité (Freinet sera exclu de l’Éducation nationale). Le film se termine par la scène mythique du certificat. Albert, le grand garçon qui avait déjà échoué 4 fois, se voit piégé par les questions d’un examinateur un brin sadique. Il ne sait pas les dates des grandes batailles, mais connaît la déclaration des droits de l’Homme et peut l’expliquer. La salle est bouche bée devant le monologue de l’adolescent. Tous les candidats de Monsieur Pascal sont reçus : c’était la condition pour que le maître soit maintenu à son poste !

Recommandé par les Nations Unies !

Le film sera projeté en avant-première en janvier 1949 à Paris, en présence de pontes de l’Éducation nationale. L’accueil est excellent, tout comme il le sera par le public des salles en mars. Moins politisé que les faits réels dont il s’inspire, le film a su jouer sur la veine universelle du combat des Lumières contre l’ignorance, du petit contre les gros, de la liberté contre l’enfermement social. Le talent des acteurs n’enlevant rien au succès final ! Les prix s’accumuleront pour l’œuvre de Jean-Paul Le Chanois : à New York sous le titre Passion for life , en Tchécoslovaquie, en Belgique, où le ministre encourage même les enseignants à le voir.

On notera que le conseil du cinéma des Nations Unies accordera aussi son patronage au film ! Une des rares critiques négatives sera formulée par les milieux cléricaux, choqués qu’aucun curé n’apparaisse dans un film « sans religion ». 65 ans après, L’école buissonnière conserve un charme indéniable et vaut largement le coup d’être vu.

David Carrette

Projeté dans le cadre de

20 Septembre 2018
L'Ecole buissonnière