JIMMY P. PSYCHOTHÉRAPIE D'UN INDIEN DES PLAINES

De Arnaud Desplechin
USA, France - 2013 - vost - 117' - Couleurs
Synopsis

Au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, Jimmy Picard, un Indien Blackfoot ayant combattu en France, est admis à l’hôpital militaire de Topeka, au Kansas, un établissement spécialisé dans les maladies du cerveau. Jimmy Picard souffre de nombreux troubles : vertiges, cécité temporaire, perte d’audition... En l’absence de causes physiologiques, le diagnostic qui s’impose est la schizophrénie. La direction de l’hôpital décide toutefois de prendre l’avis d’un ethnologue et psychanalyste français, spécialiste des cultures amérindiennes, Georges Devereux.

JIMMY P. (Psychothérapie d'un Indien des Plaines) est le récit de la rencontre et de l’amitié entre ces deux hommes qui n’auraient jamais dû se rencontrer, et qui n’ont apparemment rien en commun. L’exploration des souvenirs et des rêves de Jimmy est une expérience qu’ils mènent ensemble, avec une complicité grandissante, à la manière d’un couple d’enquêteurs.

Critique

Tourné aux Etats-Unis, entre le Montana et le Michigan, le nouveau film d'Arnaud Desplechin est adapté du livre du psychanalyste et anthropologue Georges Devereux, Psychothérapie d'un Indien des plaines, publié en 1951. L'ouvrage relate l'analyse de Jimmy Picard, un Indien Blackfoot, traumatisé par les combats auxquels il prit part pendant la seconde guerre mondiale. Pionnier de l'ethnopsychiatrie, Georges Devereux a retranscrit son travail avec Jimmy Picard, séance après séance. 
Comme souvent dans le cinéma de Desplechin, le récit s'ouvre sur l'exposition d'un conflit intérieur. Indien à la stature solide, Jimmy Picard est fragilisé, depuis son retour du front, par des troubles inexpliqués. Sa vue se brouille, son cœur s'accélère, son souffle devient court. Ces malaises le laissent hagard, paralysé par la terreur. Sa sœur, propriétaire du ranch où Jimmy travaille depuis son retour à la vie civile, l'exhorte à consulter des médecins, spécialisés dans les pathologies des vétérans. Mais le corps médical abdique face aux symptômes mystérieux que présente Jimmy. Son état, non imputable à un dysfonctionnement d'ordre neurologique, atteste d'un mal-être plus profond. En proie à une détresse aiguë, Picard multiplie les fugues de l'établissement où il est soigné, pour s'alcooliser plus que de raison. C'est finalement vers la psychanalyse qu'on l'oriente.
C'est l'histoire de cette rencontre que met en scène Arnaud Desplechin dans un beau film classique, dense, subtil, foisonnant d'idées de mise en scène et où se télescopent ses préoccupations habituelles : la névrose, le rapport complexe aux femmes, la judéité incarnée par Georges Devereux. Juif d'origine hongroise, né en 1908 en Transylvanie, l'anthropologue partage avec Jimmy Picard un génocide. L'un la Shoah, l'autre le massacre des Indiens d'Amérique. Le film n'aborde pas frontalement ces traumatismes, mais la culpabilité des personnages affleure au détour de scènes où la parole occupe bientôt tout l'espace.

Récit de guérison, puissant autant que sensible, Jimmy P. parle de ces blessures de l'âme qui obligent à redéfinir la notion volatile de folie. Dément, Georges Devereux l'excentrique (interprété avec fougue par Mathieu Amalric) l'est plus que son patient. Endossant avec sobriété le rôle de cette masse souffrante, soumis aux turbulences de son roman familial et de la grande Histoire, Benicio Del Toro forme avec Mathieu Amalric un duo, de prime abord mal assorti, mais des plus complémentaires à l'arrivée.

Sandrine Marques, Le Monde

Projeté dans le cadre de

7 Juin 2018
Jimmy P. Psychothérapie d'un indien des plaines