Mais qui a tué Harry ?

De Alfred Hitchcock
Etats-Unis - 1956 - vost - 99' - Numérique
Synopsis

Des coups de feu, un talon de chaussure, une bouteille, un cadavre et une pléiade de suspects. Un cadavre avec une blessure à la tête est retrouvé dans les collines du Vermont. Miss Graveley pense alors que c'est elle qui a tué l'homme en le frappant avec le talon de sa chaussure parce qu'il l'avait agressée, le Capitaine Wiles pense également être l'auteur du crime car il chassait ce matin-là. Enfin Jennifer croit reconnaître Harry, son époux, qu'elle avait repoussé en lui donnant un coup de bouteille sur la tête. Chacun va alors tenter de dissimuler le meurtre qu'il pense avoir commis. 

Critique

Construit sur un tempo volontairement ralenti, avec une grande abondance de plans fixes, une interprétation d'un équilibre insolite entre le pittoresque et la sobriété, semé de signes mystérieux et d'embûches, c'est le film le plus énigmatique de Hitchcock. Le génie de l'auteur a su conférer à cette énigme l'apparence faussement limpide et rassurante d'une fable ou d'une comptine pour enfants. C'est Jean Domarchi (in «Cahiers du cinéma» no 58) qui a le mieux caractérisé l'aspect expérimental du film en faisant remarquer que Hitchcock avait procédé sur ses personnages à «l'ablation de la conscience […], de la culpabilité intérieure». On pourrait ajouter: l'ablation du sens spirituel, de l'inquiétude métaphysique. Le cadavre qu'ils enterrent et déterrent allègrement et transportent de place en place n'est pour eux rien de plus qu'un objet un peu encombrant. Ainsi transformés (ou mutilés), ces personnages sont observés par l'auteur, avec distance et ironie, au sein de la petite communauté fermée où ils vivent. Ils n'éprouvent les uns envers les autres aucune méfiance, aucune jalousie, aucun de ces sentiments bas qui empoisonnent les relations humaines et que Hitchcock a si souvent décrits ailleurs. Même l'argent a sur eux peu d'emprise. A les voir vivre si paisiblement, on pourrait croire qu'ils habitent un paradis: seulement voilà, ce ne sont pas tout à fait des hommes. Et leur absence d'inquiétude ravive insidieusement la nôtre. Cette beauté de fin d'automne fascine et accable. C'est une sorte d'apocalypse douce, à l'opposé de celle, tumultueuse et atroce, des Oiseaux, mais finalement tout aussi dérangeante.

Jacques Lourcelles

Projeté dans le cadre de

Du 29 Janvier 2018 au 7 Mars 2018