Cinquième colonne

C'est un film de Hitchcock un peu sacrifié : le producteur, David O. Selznick, chercha très vite à s'en débarrasser, la scénariste démissionna, Hitchcock n'obtint pas les acteurs qu'il désirait (Gary Cooper et Barbara Stanwyck), et l'Amérique entra en guerre pendant le développement du projet...

Le scénario devint alors un plaidoyer pour l'effort de guerre : un ouvrier d'une usine d'armement, pris à tort pour un saboteur, va déjouer les plans d'un groupuscule d'espions à la solde des Allemands. Hitchcock, nouvellement arrivé aux Etats-Unis, parsème son intrigue de grands discours idéalistes (pour ne pas dire de gauche !). Dans une longue scène, un vieil aveugle tente de modérer sa fille, bien décidée à livrer le suspect aux autorités : « Je vois bien plus loin que toi. Je vois des choses intangibles, comme l'innocence. » Plus tard, Hitchcock met en scène une parodie de procès populaire joué par les freaks d'un cirque. La justice américaine, aveugle et expéditive, y est discréditée, au profit de celle de l'esprit et du coeur... Dans cette comédie humaine, qui se termine sur un plan de la statue de la Liberté, Hitchcock se dévoile peut-être plus qu'ailleurs comme un humaniste.

Anne Dessuant