La Conquête

De Xavier Durringer
France - 2011 - 105'
Synopsis
6 mai 2007, second tour de l'élection présidentielle. Alors que les Français s’apprêtent à élire leur nouveau Président, Nicolas Sarkozy, sûr de sa victoire, reste cloîtré chez lui, en peignoir, sombre et abattu. Toute la journée, il cherche à joindre Cécilia qui le fuit…
Critique
(…) Film totalement inattendu dans un cinéma français trouillard, confondant censure et prudence. La Conquête n'est pas une réflexion politique - un dossier minutieux et sérieux comme pouvait le concevoir Francesco Rosi, jadis, avec L'Affaire Mattei. On est plus proche de Paolo Sorrentino et de son récent et burlesque Il Divo... En plein western, aussi. « Ce sera mon dernier scalp », dit Jacques Chirac à propos de son dauphin encombrant. Et le dernier affrontement entre Sarkozy et Villepin ressemble à un duel où les mots siffleraient comme des balles : « Il est fini, le Président. Je suis libre. Je suis seul et je suis libre. Et vous, Dominique... vous êtes mort ! » On dirait Burt Lancaster et Gary Cooper dans Vera Cruz, de Robert Aldrich… Le danger de ce type de film, c'est - à force de caricature - d'encourager la démagogie ambiante : le côté « tous pourris » dont se repaissent les extrêmes. Xavier Durringer y échappe en filmant les pièges, les magouilles et les chausse-trapes politiques comme un rituel. Comme les gangsters de J'irai au paradis car l'enfer est ici, les politiques de La Conquête semblent participer à des cérémonies secrètes - logiques pour les belligérants, insensées pour les profanes -, qu'il observe avec une distance suave. Et un sens du burlesque : inénarrable moment où, poursuivi par une horde de paparazzis felliniens, Dominique de Villepin fonce dans l'onde de La Baule, attendu par son rival, tout enrhumé et tout ratatiné derrière ses lunettes noires. Mais le dernier (bon) mot revient à Nicolas : il glisse, goguenard, à Villepin, enfin, venu le rejoindre : « Ce que vous étiez beau, Dominique ! On aurait dit Ursula Andress dans James Bond contre Dr No ! » Avantage Sarkozy, donc. C'est lui qui émerge de ce gigantesque panier de crabes. Non que les auteurs aient voulu le déifier. Ils le montrent aussi odieux, cynique et brutal que les autres, mais défait, soudain, donc humain, lorsque Cécilia le quitte pour un autre... Peine d'orgueil de se sentir grotesque aux yeux de ses adversaires (« S'il ne peut retenir sa femme, comment gardera-t-il la France ? »). Peine d'amour, aussi, puisque le voilà triplement trahi par une épouse qui était également sa complice et son directeur de campagne... Denis Podalydès, génial, est au coeur de la métamorphose : grâce à lui, le monstre (politique) devient un homme (blessé). Un vrai personnage de –cinéma… « Les jeunes s'élèvent quand les vieux tombent... » Qui a dit ça ? Shakespeare dans Le Roi Lear. Et dans sa farce au vitriol, Durringer ne fait que cela : il regarde s'élever Nicolas Sarkozy tandis que les autres tombent… Pierre Murat