Loving

De Jeff Nichols
Etats-Unis - 2016 - vost - 123' - Couleurs
Synopsis

Mildred est noire, Richard est blanc. Ils s'aiment et veulent fonder un foyer. Mais en 1958, dans leur Virginie natale, les couples mixtes sont illégaux. Pour ce « délit », ils risquent la prison. Histoire vraie: poursuivis comme des délinquants, forcés à l'exil dans un autre état, les bien nommés époux Loving sont devenus des symboles de la lutte pour les droits civils, dans une Amérique encore massivement ségrégationniste. Leur cas exemplaire, porté devant la cour suprême, a changé les lois et le cours de l'histoire.

Critique

Moins spectaculaire, moins ouvertement singulier que le reste de son œuvre, Loving déjoue pourtant tous les pièges, avec un infinie délicatesse. Jeff Nichols – qui, comme à son habitude, signe aussi le scénario du film – investit le genre biographique comme il s'était par exemple déjà emparé de la science-fiction dans le récent Midnight Special : en y instillant son drôle de souffle poétique. On le reconnaît partout, dans la contemplation méditative des paysages du Sud américain, vastes tableaux d'horizons infinis et bruissants. Dans le sens de l'ellipse et des silences éloquents. Dans la tendresse pour les héros taiseux, anxieux, rugueux, comme jadis celui de Take Shelter : On rêve du prix d'interprétation pour Joel Edgerton, si intense et pudique dans le rôle du héros, voire pour sa partenaire, la gracieuse Ruth Negga.

Si Loving apparaît, malgré tout, comme le film de Nichols le plus classique à ce jour, c'est peut-être une question de respect. De sensibilité. Tout au long des épreuves du couple, de la description attachante et quotidienne de leur entourage, melting-pot prolo d'un coin de campagne, on a l'intuition que le cinéaste retient les effets de mise en scène trop visibles, les démonstrations de virtuosité. Qu'il évite ce qui pourrait faire écran entre le spectateur et des personnages simples, dignes et limpides. Ce qui pourrait nous faire oublier la réalité ordinaire et insidieuse de la ségrégation. Tout, ici, est au service d'une histoire d'autant plus grande qu'elle se développe dans les détails minuscules, intimes et touchants d'un amour au long cours, en butte à la bêtise et à la violence du monde, puis à la médiatisation. Ni militants, ni porte-drapeaux, les Loving sont à l'image du film : discrets, et profondément humains.

Cécile Mury, Télérama