Mountain

De Yaelle Kayam
Israël, Danemark - 2015 - vf - 83' - Couleurs
Synopsis

Une jeune femme juive orthodoxe vit avec sa famille dans le cimetière juif situé sur le Mont des Oliviers à Jérusalem. Dans la journée, tandis que son mari et ses enfants sont à l’école, elle reste seule à la maison. Elle sort se promener dans le cimetière, tentant d’échapper aux interminables tâches domestiques. 
Une nuit, emplie de frustration, elle sort furieuse de la maison et gravit le cimetière, courant jusqu’où ses jambes voudront bien la porter. Elle est alors le témoin d’une scène de sexe troublante. Hantée par cette image, elle commence à explorer ce nouvel univers que recèle la "montagne", tout en s’efforçant de ne rien laisser transparaître pendant sa vie quotidienne. Jusqu’à ce qu’elle n’y arrive plus.

Critique

A Jérusalem, une famille vit dans une petite maison sise dans l’enceinte du cimetière du mont des Oliviers. Les habitants n’en sont pas les gardiens mais doivent supporter les touristes qui y passent. Pour ajouter à l’incongruité, la maison tient de la grotte et du bunker. Cela cadre avec les principes de cette famille juive orthodoxe, qui n’est pas là pour rigoler. Le père n’a qu’une obsession : étudier la religion. Ce rabat-joie est le repoussoir de son épouse, qu’il traite comme une bobonne.

A partir de là, la cinéaste démontre comment l’intégrisme religieux se dérègle et induit une forme de perversion. En l’occurrence, la frustration sexuelle de la femme au foyer déclenche une réaction d’abord sourde puis plus active. Son mari la délaissant, elle sort la nuit et découvre que le cimetière est le rendez-vous des putes et des poivrots. Elle devient voyeuse, et pire…

Après Tikkoun d’Avishai Sivan, c’est le second film israélien sorti en l’espace d’un mois qui questionne la religion, ou du moins sa pratique rigoriste et ses règles. Moins formaliste, ce film n’est cependant pas dénué d’un certain systématisme : il montre l’évolution psychologique de la mère jour après jour, où se répète la même routine.

Par analogie, l’emprise de la règle religieuse sur la famille et son quotidien évoque la prison. Double enfermement figuré par le carcan du vêtement de l’épouse (foulard cachant les cheveux, robe longue) et par la maison elle-même, enclose dans un désert minéral (le cimetière). Un contexte coercitif appelle une riposte. Elle sera extrême.

Cela dit, là où il y a de la gêne il y a également un plaisir de la transgression (nocturne) : cigarettes, voyeurisme, etc. Le film se tient à son programme dynamique et en même temps répétitif, sans jamais le déborder. Il reste minimaliste, y compris dans sa peinture de la débauche, et formellement sobre. La simple vision du cimetière à perte de vue et ce que cela recèle de dureté (minérale et religieuse) suffit presque à engendrer une pensée déviante, que le film cultive avec un féroce mauvais esprit.

Vincent Ostria, Les Inrocks