Diamond Island

De Davy Chou
France, Allemagne, Cambodge, Qatar, Thailande - 2016 - vost - 101' - Couleurs
Synopsis

Diamond Island est une île sur les rives de Phnom Penh transformée par des promoteurs immobiliers pour en faire le symbole du Cambodge du futur, un paradis ultra-moderne pour les riches.
Bora a 18 ans et, comme de nombreux jeunes originaires des campagnes, il quitte son village natal pour travailler sur ce vaste chantier. C’est là qu’il se lie d’amitié avec d’autres ouvriers de son âge, jusqu’à ce qu’il retrouve son frère aîné, le charismatique Solei, disparu cinq ans plus tôt. Solei lui ouvre alors les portes d’un monde excitant, celui d’une jeunesse urbaine et favorisée, ses filles, ses nuits et ses illusions.

> Projection spéciale en présence du réalisateur le vendredi 6 janvier 2016

> Article dans LE MONDE du 28 décembre 2016

> Article dans LE COURRIER INTERNATIONAL du 27 décembre 2016

Critique

Le film accompagne la montée du personnage principal – Bora, 18 ans, garçon pauvre venu de la campagne – dans la capitale, où il est embauché sur les chantiers de Diamond Island. Il s’y ménage une amitié avec un petit groupe de jeunes de son âge, passant les nuits entières à baguenauder, draguer les filles, rêver d’un avenirqui prend les couleurs phosphorescentes, illuminées, d’un éternel quartier de plaisir. Pour Bora, ce rêve s’incarne plus particulièrement dans la réapparition d’un frère aîné disparu depuis cinq ans, Solei, lequel se manifeste sous les auspices enchantés de chevauchées nocturnes à moto, de filles de rêves, de boîtes de nuit. Il y a aussi, hors champ, ce mystérieux protecteur américain dont Solei prétend qu’il pourrait assurer leur avenir à tous deux aux Etats-Unis.

Ce qu’il adviendra de cet espoir donne la mesure de ce récit de formation placé sous l’invocation d’une reprise cambodgienne de Quando quando quando (Tony Renis, 1962), mémorable hit du miracle économique italien qui pourrait être le modèle d’un Cambodge placé, après le désastre, sur l’orbite de la reconstruction capitalistique du pays. Un plan socio-économique que chaque plan du film prend plastiquement en charge en faisant luire mille lumières et mille objets dans la nuit, en poussant les couleurs pop et la langueur des sensations au maximum de leur intensité, mais pour mieux revenir, chaque matin, à la froide réalité du chantier qui met durement à l’épreuve tant l’amour que l’amitié.

La mise en scène, au service d’un récit qui évoque immédiatement celui de Rusty James, de Francis Ford Coppola, puise aussi ses influences, de manière non moins flagrante, dans le répertoire des grandes figures du cinéma asiatique, du Taïwanais Hou Hsiao-hsien au Chinois Jia Zhang-ke en passant par le Thaïlandais Apichatpong Weerasethakul. Autant de références plus que respectables pour un jeune cinéaste qui cherche sa voix, mais qui rendent Diamond Island sans doute moins original, moins puissant que Le Sommeil d’or. Cette entrée en matière fictionnelle, brillante à tous égards, n’en laisse par moins présager une suite avantageuse.

Isabelle Regnier, Le Monde