Cosmopolis

De David Cronenberg
France, Canada - 2012 - vost - 108' - Couleurs
Synopsis

Dans un New-York en ébullition, l'ère du capitalisme touche à sa fin. Eric Packer, golden boy de la haute finance, s’engouffre dans sa limousine blanche. Alors que la visite du président des Etats-Unis paralyse Manhattan, Eric Packer n’a qu’une seule obsession : une coupe de cheveux chez son coiffeur à l’autre bout de la ville. Au fur et à mesure de la journée, il assiste à l’effondrement de son empire. Il est aussi certain qu’on va l’assassiner. Il s’apprête à vivre les 24 heures les plus importantes de sa vie.

Critique

Cosmopolis est un film d’intérieur, presque entièrement confiné dans un lieu étroit mais mouvant.  L’objectif de Packer : se faire coiffer à l’autre bout de la ville. En chemin, il discute avec ses associés (logorrhée de chiffres et de théories que l’on croirait issue du cerveau d’un mathématicien sous speed ou d’un philosophe cocaïno), croise sa jeune épouse, baise avec une maîtresse, consulte les multiples écrans qui tapissent le véhicule, regarde à travers les vitres fumées de sa voiture le spectacle d’une société au bord de l’explosion : manifestants, flics, indignés, entarteur forment un carnaval urbain inflammable qui ne laisse aucun répit.

Morceau de bravoure en soi, cette vue en coupe de New York permet toutes les lectures symboliques possibles. Babylone de l’Occident, cité phare de la civilisation capitaliste depuis une centaine d’années, le NYC de Cosmopolis est un concentré de notre monde.

Les très riches et les très pauvres y cohabitent, et c’est vieux comme le monde. La nouveauté, c’est la promiscuité entre maîtres et quidams induite par les nouvelles technologies. Avant, les pauvres ne voyaient pas les riches. Aujourd’hui, le lointain n’existe plus, la prolifération des écrans et la rapidité des communications réduisent la planète à un village où tout est proche et instantané, où désirs et frustrations, échecs et réussites, inclusion et exclusion mijotent comme dans une Cocotte-Minute.

Il suffit d’ailleurs à Packer de remonter les vitres pour couper le son, voire l’image, de cette société en ébullition qu’il a contribué à chauffer. La limousine est une bulle, un cocon, un endroit protégé, régressif,
coupé du monde réel, comme l’univers de luxe et de rémunérations obscènes où évoluent les moguls du capitalisme contemporain.

L’habitant de ce cocon est un être mi-ange, mi-démon, un homme qui possède tout mais semble incapable de nouer une relation normale avec autrui, perpétuel insatisfait, humain inachevé à qui il manque une case émotionnelle. Plus l’avoir est gigantesque, plus l’être est névrotique.

Pour incarner Eric Packer, Cronenberg a choisi Robert Pattinson, coup de génie mutuel. L’acteur-étoile file de Twilight à Cosmopolis avec une incroyable aisance, incarne à merveille ce mélange de jeunesse et de cruauté, de sex-appeal et de déliquescence, de désir et de mort, cette maladie de la win confinant à la pathologie morbide qui irradie ce film et emblématise notre époque.

Serge Kaganski, Les InRocKuptibles

Projeté dans le cadre de

Du 1 février 2016 au 23 février 2016
Le cinéaste du paranormal