Du 29 Novembre 2023 au 9 février 2024

LA CHIMERA

de Alice Rohrwacher

"En trois longs métrages (Corpo celeste, 2011; Les Merveilles, 2014; Heureux comme Lazzaro, 2018), tous trois présentés à Cannes, les deux derniers en compétition avec un Grand Prix et un Prix du scénario à la clé, Alice Rohrwacher s’est imposée comme une des voix majeures du nouveau cinéma européen. Autant dire que le retour de l’Italienne, coproduite depuis ses débuts par la société tessinoise Amka Films, était hautement attendu. Tourné entre sa Toscane natale et le Latium, et situé dans les années 1980, La Chimera clôt une sorte de trilogie de la ruralité amorcée avec Les Merveilles, un film qui était directement inspiré de son enfance, avec une famille ayant fait le choix de vivre à la campagne sous le signe de la décroissance, à une époque où cette notion n’existait pas encore. Dans La Chimera, Alice Rohrwacher met en scène une bande de pieds nickelés désargentés qui, pour tenter de sortir de la misère et de briser le déterminisme social, pillent les tombeaux étrusques afin d’en extraire des amphores, statues et autres artefacts qu’ils pourront revendre sur le marché noir – les vestiges du passé pour survivre au présent. «Si les Etrusques étaient encore là, peut-être qu’il y aurait moins de machisme en Italie», s’amuse une de ces tombaroli. A leur tête, Arthur, un Anglais qui a le don de trouver ces tombes enfouies, personnage charismatique et un peu paumé, quelque part entre un sourcier et un sorcier… Sa chimère s’appelle Beniamina, la fille qui l’a tant aimée et qui a disparu. Directement écrit pour Josh O’Connor, connu pour avoir interprété le futur roi Charles III dans les deux premières saisons de la série The Crown, Arthur est une sorte d’âme errante qui semble faire le lien entre le monde des vivants et celui des morts. Comme à son habitude, la cinéaste filme magnifiquement les visages et les corps, comme elle sublime des paysages arides et désolés à travers une mise en scène impressionniste, osant même quelques plans en accéléré qui donnent au récit une dimension burlesque. Tourné en pellicule (avec trois formats: 35 mm, 16 mm et Super 16), admirablement photographié par la cheffe opératrice Hélène Louvart, La Chimera propose une image granuleuse passant joliment du chaud au froid. Le film est d’une richesse telle qu’on a hâte de le revoir loin de la frénésie cannoise afin d’en apprécier toutes les subtiles nuances."
-Stéphane Gobbo, Le Temps

À voir au Cinémas du Grütli, dans la foulée de la Rétrospective Alice Rohrwacher, dès le 29 novembre 2023