Les Sept Samouraïs

De Akira Kurosawa
Japon - 1954 - vost - 206'
Synopsis

Au Moyen-Age, la tranquillité d'un petit village japonais est troublée par les attaques répétées d'une bande de pillards. Sept samouraïs sans maître acceptent de défendre les paysans impuissants.

Critique

Lorsqu’un film tourné en 1954 se rappelle à notre bon souvenir, à ce point accompagné d’un label de chef-d’œuvre indiscutable, il paraît un peu vain de revenir sur ce qui a été écrit, et bien écrit, par des générations de critiques, d’historiens du cinéma et d’admirateurs. Tous ceux qui s’intéressent un tant soit peu au cinéma ont déjà vu (et si ce n’est pas le cas, l’occasion est trop belle) cette épopée de samouraïs errants, réduits à la pauvreté la plus cruelle, acceptant faute de mieux de défendre, pour quelques bols de riz de salaire, un village de paysans sous la menace d’une bande de brigands.

La nuance tient au fait que, pour la première fois depuis des lustres, le film est en salles, dans son découpage original de presque trois heures et demi et dans une impeccable version restaurée qui procure l’étrange sensation de découvrir ce monument sous un angle resté dans l’ombre toutes ces années. (…)

Le film apparaît à chacune de ses visions comme une matrice d’un cinéma d’action dont il reste aujourd’hui, surtout au regard d’une production actuelle très formatée, un sommet probablement indépassable. Sans établir de hiérarchie parmi les redécouvertes formelles du film, on peut souligner l’utilisation moderne et parcimonieuse du ralenti (dont des cinéastes comme Sam Peckinpah ou Arthur Penn feront bon usage), les choix de mise en scène qui semble venus spécialement d’Hollywood (l’attaque des bandits au sommet d’une colline, comme dans un western de Ford), la férocité envoûtante de la bataille finale sous des torrents de pluie filmée sous une multitude d’angles, ou encore, au chapitre interprétation, la prestation complexe de Toshiro Mifune, samouraï de pacotille, à la fois clown et trompe-la-mort, méprisé par ses compagnons d’armes et par les paysans qui l’emploient parce qu’il n’appartient ni à l’une ni à l’autre de ces castes supposément hermétiques.

Surtout, au-delà des genres auquel il semble appartenir (film de sabre, mais aussi comédie sentimentale et parfois burlesque, critique sociale, fresque picaresque), il reste plus que jamais un sens du tragique dans les Sept Samouraïs qui justement épargne au film de se laisser enfermer dans une des catégories qu’il représente. La beauté ravageuse de ces soldats condamnés à l’oubli, vestiges crépusculaires d’un monde qui agonise, continue aujourd’hui encore d’exercer une fascination mystérieuse, parce que peut-être inaltérable.

Bruno Icher, Libération, 9 juillet 2013