Le Temps de l'aventure

Alix, comédienne de théâtre lorgnant sans beaucoup d'espoir vers le cinéma, vit en transit. Parisienne en tournée à Calais, elle revient dans la capitale pour des essais et trouve une sorte de ville fantôme où son appartement est vide, où ses proches se réduisent à des voix résonant dans le combiné d'une cabine téléphonique. Même les distributeurs bancaires sont aux abonnés absents, en refusant de lui délivrer un quelconque billet. Débarrassée (acte manqué?) du fil à la patte que représente le téléphone portable, elle se lance dans l'aventure en allant retrouver l'inconnu croisé dans le train, qui assiste le matin même à l'enterrement d'une amie-amante. À partir de ce mince canevas, Jérôme Bonnell livre un film virtuose qui jongle admirablement entre la latence du désir, les silences, les embardées et les flux de paroles. Il déconstruit la temporalité, en alternant admirablement les plans séquences sur les scènes secondaires et les découpages impétueux des scènes passionnelles qui restent la pierre angulaire du film. Tout en restant pudique, la caméra épouse au mieux le grain de la peau, l'émotion qui affleure sur les visages sans jamais déborder du champ et transcende les silences. Certains plans, notamment celui du baiser encadré par le rideau qui entretient encore l'envergure théâtrale de l'histoire, sont somptueux.