Les créatures

De Agnès Varda
France, Suède - 1965 - vofr - 90' - Noir et Blanc
Synopsis

Edgar et Milène vivent comme des reclus, ils ne peuvent pas dialoguer, mais ils s’aiment, et leur amour va donner la vie à un enfant. Quant au roman d’Edgar, il naît de rien, à première vue, car Edgar se promène seul dans l’île de Noirmoutier. Au hasard de ses promenades, il rencontre des personnages quotidiens, qui deviennent, transformés ou imaginés, les “créatures” de son roman, les pions d’un jeu de l’échec qu’il invente. Les “créatures” prennent vie au cours d’une partie serrée dans laquelle Edgar défend non seulement ses convictions, mais aussi son amour.

 
Critique

Les Créatures rappelle une fois de plus que l'histoire du cinéma est soumise aux aléas de la disponibilité et que l'œuvre des grandes femmes cinéastes en est trop souvent exclues. Au début des années soixante, alors que François Truffaut envisageait d'adapter le roman de Ray Bradbury Fahrenheit 451, il s’inquiétait que les cinéastes français ne fasse pas de bonne science-fiction. Le film de Varda, sorti en France deux semaines avant celui de Truffaut, prouve que ses inquiétudes étaient infondées comme son propre film l’avait prouvé. Surtout, pas moins que Truffaut, Varda a transformé la science-fiction en un sujet à son image - elle l'a fait encore plus radicalement et plus personnellement, et la radicalité de ses idées est peut-être l'exact raison pour laquelle Les Créatures est tombé à tort sur les bas côté de l'histoire du cinéma.

(...) Varda transforme le mélange de fantaisie et de réalisme en une parodie sauvage de science-fiction, ainsi qu'une parodie néo-réaliste du Septième Sceau d'Ingmar Bergman, une cible d'autant plus pertinente que Les Créatures est une coproduction franco-suédoise et que l'un des habitants est interprété par Eva Dahlbeck, collaboratrice récurrente de Bergman. De plus, le jeu du casting autoréférentiel est amplifié par la présence de Nino Castelnuovo, qui a joué avec Deneuve dans le film Les Parapluies de Cherbourg de Demy, en 1964.

Les Créatures est aussi imaginatif que ludique, aussi fantaisiste que franc, aussi intime que personnel et varié. C'est un film de science-fiction qui utilise les dispositifs et les conventions du genre pour raconter des histoires de mariage et d'art, de mauvaises idées et de mauvaises actions, qui auraient été difficiles à raconter dans un cadre cinématographique plus simple et moins élaboré. Il se peut bien que ce soient son sujet aussi bien que son style qui aient abouti à sa disparition. Ce n'est qu'un des nombreux rappels que l'histoire du cinéma reste à découvrir et que, de ce fait, l'avenir de l'art avance les yeux bandés.

Richard Brody, The New Yorker